mardi 30 août 2011

Grammaire et Récit (2) Chap. IV à VIII



Grammaire & Récit



Chapitre IV
Grammaire et texte



La notion de ‘phrase’, empiriquement bien connue, même si elle n’est pas définie, n’a pas de statut théorique en linguistique. La complexité formelle et la quantité d’information varient grandement d’une phrase à une autre, et en fin de compte seuls des facteurs énonciatifs (unité d’émission) permettent de donner quelque consistance à cette notion empiriquement si rentable.
Une ‘phrase simple’ est un énoncé qui a la même structure qu’une proposition simple ; une proposition simple est une proposition consistant en une relation simple et 1 ou 2 arguments individuels (sans récursivité). On considérera comme phrase simple toute structure manifestée comprenant un seul terme synthétique des relations sémantiques en jeu, et des formes lexicales assimilables à des arguments individuels pour l’ensemble des participants. Cette convention correspond à l’usage courant.

Un texte peut être défini comme une suite de phrases, soumise à sept conditions (Beaugrande-Dressler 1981 : 3-11) :
(1) Cohésion : la surface est constituée d’unités connexes.
(2) Cohérence : le monde du texte est composé de concepts et relations accessibles et pertinents.
(3) Intentionalité : la suite est fonction d’un but, d’un plan de l’émetteur.
(4) Acceptabilité : attitude coopérative du récepteur.
(5) Informativité : rapport entre attendu et inattendu, coopération et intérêt.
(6) Situationalité : pertinence à une situation d’occurrence.
(7) Intertextualité : l’utilisation du texte dépend de la connaissance d’un ou plusieurs texte(s) antérieurs(s).


1.2. Unité et totalité
Les conditions énumérées ci-dessus définissent les critères du jugement de textualité, multiforme, qui de toute façon porte sur l’ensemble-texte :
Les jugements de textualité doivent être fondés sur la totalité du texte et non simplement sur des jugements de textualité portant sur des parties du texte. Gopnik 1979 : 161
Il s’ensuit que :
(a) la correction grammaticale des phrases individuelles d’une suite quelconque n’assure en rien l’acceptabilité de la suite dans son ensemble ;
(b) la coprésence, dans une suite, de phrases grammaticalement correctes et d’autres qui ne le sont pas, peut d’une part ne pas nuire à la compréhension de l’ensemble, et d’autre part doter les phrases problématiques d’une interprétation qu’elles n’auraient pas si elles étaient isolées.

Le sens va de l’ensemble aux parties, et non l’inverse :
(a). Le texte est le cadre à l’intérieur duquel les phrases se désambiguïsent ; (b). Le texte contient d’autres présupposés et implications que les phrases qui le constituent ; (c). Le texte a d’autres possibilités de paraphrases que la phrase cf. possibilités de réduction jusqu’au résumé minimal. Lang 1972 : 78
C’est ce qu’illustre une analogie entre texte et carte :
Les cartes et les textes ont bien des fonctions et des propriétés analogues : les généralisations cartographiques ont leur contrepartie textuelle dans la relative complétude de l’information fournie ; un texte, comme une carte, peut fournir une nouvelle information non prévue par le système. [...] Dans l’analyse d’une carte, l’attention ne peut se borner aux signes isolés, ou aux relations élémentaires qui les unissent, car la destination d’une carte, aussi bien que le choix d’un type particulier de procédés, sont essentiels pour sa compréhension. Cela signifie que ce qui importe est l’analyse de la totalité de la carte, ou au moins de parties de celle-ci. Palek 1979 : 288, 289

La notion de communication, comme interprétation particulière de ‘situation d’occurrence’, synthétise les prérequis de la notion de texte.
L’actualisation du texte dépend de la communication dans la mesure où celle-ci détermine certaines références (indices des participants, coordonnées spatio-temporelles et modales de leur situation réciproque ; c’est dans la situation de communication qu’une unité est une instance et non un type, et, en fin de compte, acquiert une extension et, en conséquence, une valeur de vérité pratique. Une (suite de) phrase(s) non communiquée n’a pas d’extension.

La référenciation dépend de la communication, qui vise à transmettre un monde d’un lieu (abstrait) à un autre ; les indices de référence de toutes les instances de la situation d’occurrence sont encodés dans le texte, soit explicitement, soit ‘par défaut’. Une (suite de) phrase(s) non communiquée n’est pas un signe.

La cohérence, outre qu’elle met en jeu les connaissances des participants, est corrélative du procès de communication, dans la mesure où l’achèvement de celui-ci conditionne la construction d’un sens cohérent et autonome ; l’intégration n’a de valeur que dans un tout ‘verrouillé’ [Dressler : abgeschlossen]. Une (suite de) phrase(s) non communiquée n’est ni ouverte ni fermée : elle est ininterprétable.


2. Fonctions du texte
On peut considérer comme T-règle (règle textuelle) une contrainte opérant entre deux phrases, ou dans une phrase, et qui n’est explicable que comme relation entre elles et ‘quelque chose’ qui se situe en dehors d’elles : totalité ou partie du contexte linguistique ou situationnel.

La coordination, entraîne un effacement de certains éléments des phrases coordonnées, qui est une T-règle :
S1 = Le loup a mangé la chèvre
S2 = Le loup a mangé le chevreau
S1 + S2 = Le loup a mangé la chèvre et Æ le chevreau
Les conjonctions et les signaux d’enchaînement, dont le rôle est d’ajuster une ou des phrases dans un contexte plus large, ne peuvent jamais être expliqués simplement comme une partie de la phrase à laquelle ils se trouvent appartenir. En réalité, on pourrait soutenir qu’ils font partie de leur phrase plutôt phonologiquement que grammaticalement, et qu’ils appartiennent plus proprement au contexte plus large. Longacre 1979 : 263
Ce sont non seulement ‘et’, ‘mais’, ‘cependant’, mais aussi des signaux plus complexes, comme : ‘d’autre part’, ‘je dirais même plus’, ‘il n’en est pas moins vrai que’, ‘quoi qu’il en soit’, et autres gadgets fréquents dans les textes argumentatifs.

L’emploi de certains déterminants est une T-règle bien connue sous le nom d’anaphore :
S1 = Il était une fois un loup
S2 = Le loup mangea un chevreau
S3 = Le chevreau appartenait à un paysan
La transformation, à chaque changement de phrase, de ‘un’ en ‘le’ ne s’explique (et ne donne lieu à phrases interprétables) que dans le texte.

2.1.4. Etats de choses et extension
Un cas plus poussé d’ ‘anaphore’ est celui qui fonctionne entre deux parties d’un texte dont la première fournit le référent de la seconde :
S1 = Bill a construit un cerf-volant
S2 = Le cerf-volant a une longue queue
La phrase S2 est vraie ou fausse, c’est-à-dire a ou n’a pas d’extension. Mais si on a
S’1 = Bill peut construire un cerf-volant
la phrase S2 n’est ni vraie ni fausse, car le verbe ‘pouvoir’ n’instaure pas de référent ; en tout cas, l’acceptabilité ou l’inacceptabilité de S2 dépend du contexte, et non de la construction de la phrase.
La pronominalisation joue au niveau interphrastique, lorsqu’une même entité doit être mentionnée plusieurs fois. La phrase
S3’ = Il lui appartenait
n’est interprétable que si elle est intégrée dans un contexte ; celui qui a été construit en (c) permet d’interpréter, à cette place, ‘il’, mais non ‘lui’.

La transformation passive a été étudiée en détail par la grammaire de phrase. Mais, comme le remarque Hendricks (1973 : 52), on ne peut, dans ce cadre, définir quand et pourquoi on utilise le passif au lieu de l’actif. Enkvist (1967) a énoncé l’hypothèse que l’usage du passif est lié à la concaténation interphrastique, et plus précisément au souci de mettre certains noms en position constante de sujet grammatical ; la ressource grammaticale permet une thématisation, qui, elle, est textuelle :
S1 = Les Chrétiens proclamaient leur foi
S2 = Néron les envoya dans l’arène
S3 = Les lions les dévorèrent
Cette suite, cohérente du point de vue narratif (succession, coréférence des figures), peut être thématisée d’une manière plus forte :
S1 = Les Chrétiens proclamaient leur foi ; ils furent envoyés par Néron dans l’arène et  dévorés par les lions

2.1.7. Modalisation.
La modalisation du discours échappe à la grammaire de phrase : il n’y a pas de corrélation biunivoque entre phrase interrogative et demande d’information, entre phrase affirmative et assertion. Les ‘actes de langage’ se définissent au plan du texte, et correspondent au prérequis d’intentionalité.
Toutes ces ‘règles’ (ou domaines de règles) correspondent au fait qu’entre une RSp et une ML, il n’y a pas de relation biunivoque fixe,
– ni pour le ‘découpage’ de la RS en parties,
– ni pour l’arrangement linéaire de celles-ci,

– ni pour le marquage de la relation entre ordre linéaire et principes de mise en ordre sémantique (p. ex. chronologie ou enchaînement démonstratif).
C’est pour cette raison que les grammaires à composantes multiples ont été construites.

Isenberg (1971 : § 1.) a énuméré un certain nombre d’opérations de ‘mise en texte [Vertextung]’, qui consistent à représenter dans la ML (par des moyens grammaticaux) des relations partielles de la RS.
Dans le garage il y a une auto. La voiture est fraîchement repeinte.
Il n’y a pas de courant. La lampe ne s’allume pas.
Jean est allé à la cave. Il veut prendre une bouteille de vin.
Il a gelé. Les conduites ont sauté.
[On voit qu’il a gelé au fait que les conduites ont sauté.]
Hier il est arrivé un accident. Pierre s’est cassé la jambe.
L’accident, c’est que Pierre...
Mon père s’est acheté un costume. Pierre est tombé de l’échelle. Le facteur s’est cassé un bras. Tout ça me rend fou.
Le dernier élément fournit la cohérence de la série précédente.
L’avant-centre attaque. Un défenseur adverse lui prend la balle. Il remonte tout le terrain. Il shoote. Le gardien ne peut arrêter la balle.
Jean est allé au cinéma. Quelqu’un doit lui avoir donné de l’argent.
[Ce n’est possible que si...]
Pierre est sympathique. Lucien est un menteur.
Qu’as-tu fait hier? Je suis allé au cinéma.
Jacques a un manteau long. Pierre en a un plus court.
Jacques a vu Marie. Non, c’est Pierre qui a vu Marie.

« Le nombre de ces procédés de textualisation est limité. Les phrases ne peuvent pas être reliées de manière arbitraire pour former des textes. On doit supposer qu’il existe un mécanisme fini que j’appellerai grammaire capable d’engendrer un ensemble potentiellement infini de textes, avec leurs propriétés formelles et sémantiques. » Isenberg 1971 : § 3.


2.3. La compétence textuelle
Les textes étant ‘quelque chose’ de plus que de simples collections de phrases, ils mettent en jeu une compétence spécifique chez le récepteur. Cette compétence textuelle se manifeste par un certain nombre de capacités acquises et intériorisées, mises en œuvre automatiquement par le locuteur, qui peut

(1) Distinguer un agglomérat de mots ou de phrases d’un texte cohérent (v. 7.) ;
(2) Paraphraser une suite d’énoncés, c’est-à-dire la reproduire sous une autre forme en conservant une partie de son sens ;
(3) Condenser, ou résumer une suite d’énoncés, c’est-à-dire formuler synthétiquement le texte qu’ils forment ;
(4) Assigner un ou plusieurs titres, c’est-à-dire proposer une interprétation centrée sur un ou plusieurs thèmes-topics ;
(5) Réciproquement, développer un ‘titre’, considéré comme énoncé embryonnaire, en un ou plusieurs textes cohérents (exercice d’école courant) ;
(6) Décider si un texte est complet ou non, tronqué, inachevé, ou non ;
(7) Construire une cohérence, en établissant des connexions à distance, ou en restituant des ‘chaînons manquants’ de la ML (v. 1.) ;
(8) Intégrer l’interprétation d’une partie de texte dans la RS de l’ensemble, en ‘ajustant’ les présupposés et les inférences pertinents ;
(9) Commenter le texte, et notamment formuler des questions et des réponses en des termes ne figurant pas nécessairement, ou pas tous, dans la ML ;

(10) Extraire des sous-textes partiels cohérents et autonomes, soit pour constituer une ‘ligne’ d’interprétation, soit pour connecter ces sous-textes à d’autres univers textuels (p. ex. la citation).
(11) Commensurer des segments de dimension différente de la ML, en les intégrant dans la RS cohérente du texte.
[van Dijk 1972 : 6, Lang 1972 : 78-80, Conte 1977 : 18, Bertinetto 1979 : 145, Berrendonner 1979 : 351]

La conclusion de Lang (1972 : 80) a été confirmée par la recherche ultérieure :
Un mécanisme hiérarchisant tous ces aspects constituerait une grammaire de texte. Cette grammaire ne remplacerait pas la grammaire de phrase, elle relèverait d’un secteur particulier de la linguistique où s’opère la jonction avec d’autres sciences sociales.



3. Le traitement des textes
Il est d’importance fondamentale pour la compréhension du texte que les très grandes quantités d’information que nous pouvons tirer d’un texte soient organisées, structurées et réduites. van Dijk 1981 : 83
En général, le but du traitement du texte est d’obtenir de l’information sur le sens du texte en question. [...] Le but du traitement primaire consiste en la reconstruction rationnelle la représentation non ambiguë soit a de la procédure de découverte du sens du texte, soit b de la structure du sens du texte. Le résultat du traitement primaire la représentation non ambiguë peut être soumis à un traitement secondaire. Dans ce traitement, l’information est sélectionnée à partir de la représentation selon certains points de vue donnés. Le traitement secondaire est conduit à l’aide de divers systèmes question-réponse. Petöfi 1977 : 1
Les textes dont il est question ici sont du type ne varietur. De nombreux textes sont modifiables par l’interaction sociale : une réplique de conversation peut être retouchée ou précisée. Les textes ‘littéraires’ correspondent à une communication à distance, ou différée, qui constitue une tradition (Popovic 1979) ; leur caractéristique, outre qu’ils sont intangibles dans des conditions normales, est que la procédure de découverte du sens est partiellement encodée dans le texte lui-même, qui contient des marquages de son emploi en communication.
Le caractère plus ‘créatif’ des textes littéraires (ou de l’acception littéraire de textes quelconques) tient au fait que le processus de construction d’un monde, commun à tous les textes, est couplé avec la participation du récepteur, qui doit reconstituer une communication théorique (fictive) en projetant ‘en amont’ du texte une image de l’émetteur de celui-ci, compatible à la fois avec les données objectives du texte, et avec les intérêts actuels du récepteur. Que de tels textes soient explicitement destinés à un ‘traitement’ de ce type, et subissent des traitements successifs et variés au cours d’une tradition, finit par les charger d’une ‘mémoire’ particulière, trace d’une histoire des différents états sociaux que le texte a traversés, et dont/auxquels il a participé ; il s’ensuit un effet de surdétermination du texte, de plus en plus ‘riche’ à mesure qu’il est plus sollicité.
La différence entre Passe-moi le sel (ou Je t’aime) de la vie quotidienne, et Passe-moi le sel (ou Je t’aime) d’un roman, c’est que si je réalise n fois le premier, il sera entendu que j’ai produit n textes différents, circonstanciels ; tandis que si je réalise (je ‘relis’) n fois le second, je dirai que j’ai répété le même texte. Dans le premier cas, les sens demeurent disjoints, dans le second, le sens se cumule : le traitement du texte littéraire vise à réaliser une reproduction dudit texte ; les paradoxes de Borges et Bioy-Casares (le Quichotte de Pierre Ménard, le commentaire de la Divine Comédie de Lambkin Formento) mettent en scène ce mécanisme courant.
Les tâches du traitement de texte, l’analyse, la synthèse, la comparaison (Petöfi 1973), doivent être redéfinies pour les textes du type ne varietur.

L’objectif de l’analyse est d’assigner les bases de texte admissibles à la manifestation linéaire d’un texte donné Analyse I et de mettre au jour les macro-structures qui se manifestent dans le texte Analyse II. [...] L’objectif direct de l’Analyse I peut être formulé comme suit : il doit assigner à toutes les phrases du texte la base ou les bases admissibles dont la phrase/texte analysée peut être considérée comme la manifestation linéaire. Petöfi 1973 : 255
L’analyse est le processus qui conduit de la ML à la RS (ou à plusieurs RS admissibles). La postulation de composantes intermédiaires (SS, SP), qui permettent de donner des versions progressivement abstraites (indicateurs grammaticaux, indicateurs logiques), met en place un système de contrôle et de réduction graduelle du sens. Ce système prend toute son importance quand il s’agit, soit (a) de formuler explicitement les ‘règles’, la ‘grammaire’ d’un quelconque univers de discours, soit (b) de reproduire, à divers degrés d’abstraction, un texte ne varietur à fonctionnement continu. Un tel texte, pris dans une suite de situations de communication (une tradition), a alors n ‘sens’ associés et distincts.

Si l’analyse correspond à l’interprétation, la synthèse correspond à la génération. Etant donnée une RS, considérée comme BT, la synthèse consiste en la suite des opérations qui assignent aux parties de BT des représentations qui sont des parties de la ML. Là encore, la démultiplication des composantes intermédiaires joue le rôle d’un système de contrôle et de filtrage.

Dans le cas général, à une RS donnée, peut correspondre une pluralité de Manifestations Linéaires, de sens cognitif est équivalent, mais de valeur communicative différente, ajustée aux conditions concrètes, en fonction de conventions spécifiques. Une structure sémantique stable peut être infléchie par des conditionnements pragmatiques. Dans le cas particulier des textes littéraires, la ML est unique ; à supposer que l’on ‘connaisse’ sans ambiguïté la RS, la synthèse consiste à reconstituer le processus qui a conduit à cette RS, par exclusion des autres possibilités de génération-projection ; cette procédure fournit une notion de style qui rapporte le texte à lui-même.
Comme (ou plus que) dans la communication courante, le processus d’interprétation peut être vu comme une simulation de la génération par l’ ‘interlocuteur’. D’un autre point de vue, à partir d’un objet empirique ( la ML du texte), on aboutit à un objet construit, qui a été obtenu par le moyen d’une procédure comportant le ‘calcul’ d’objets théoriques intermédiaires.


3.3. Comparaison
La comparaison peut être utilisée dans les limites d’un texte donné, ou entre plusieurs textes. Dans les limites d’un texte, la comparaison consiste à commensurer les structures des différentes composantes (graphes, propositions, indicateurs syntagmatiques, phrases manifestées), c’est-à-dire à contrôler la portée des postulations de structures intermédiaires. Ce faisant, on peut arriver à plusieurs RS (dans le sens interprétatif).

Celles-ci, et les alternatives fictives de SP, voire de SS et de ML (dans le va-et-vient pseudo-génératif), sont d’autres ‘versions’ possibles du texte, aux différents niveaux de construction, autres versions qui constituent un terme de comparaison avec la version ‘actuelle’.
La comparaison entre plusieurs textes associe des structures de même niveau (des mêmes composantes, RS, SP, SS, ML), mais peut aussi mesurer des parties identiques dans une composante donnée, à leurs différentes projections dans une autre composante : le sens cognitif de [x passer le sel à y] peut être formulé d’une multiplicité de façons (dans les composantes SS et ML), qui agit ‘rétroactivement’ sur la construction de SP et de RS différentes.

Les projections des composantes les plus profondes dans les plus superficielles (génération) et les ‘projections à rebours’ admissibles (interprétation) engagent à proposer les définitions-constatations suivantes :
(a) Le discours est un arrangement topologique (linéaire, spatial, temporel).
(b) Le discours est une succession (arrangement linéaire, considéré comme aléatoire) de formules de manifestation (phrases, mots).
(c) Le texte est une suite (un ensemble ordonné) de formules propositionnelles (P, unités de la SP), arrangées selon un ordre de référence (à base variable, mais qui peut être formulé sous forme d’un bloc de règles).
(d) Le texte est une suite de graphes (g, structures de la RS).
(e) Le texte est l’union des structures g de la RS.
Ces ‘définitions’, qui ont une base et une portée différentes, correspondent à des vues plus ou moins ‘profondes’, plus ou moins synthétiques, du texte. Il est utile de s’interroger sur le point de vue que l’on a ou veut avoir sur le texte, c’est-à-dire, sur la finalité du traitement, sur la forme et l’usage du sens que l’on cherche à construire. Si l’on s’intéresse à la technique du suspens narratif, ou à la condition de la femme italienne au XIXe siècle, on définira le texte de Pinocchio de deux manières assez différentes, selon telle ou telle définition théorique (c’est-à-dire tel ou tel ensemble de propriétés).

4.2. Corpus
Un corpus est un discours, ou un sous-ensemble de discours constitué selon des critères externes, de nature généralement pragmatique (conditions économiques de communication), par une opération inductive de sélection et d’homologation. C’est un objet empirique, qui doit être (re)construit, principalement par comparaison de réponses à des questions sur les traits-propriétés d’objet théorique.
Pratiquement, un corpus est un ensemble d’objets théoriques, que l’analyse traite comme discours, que la synthèse (re)produit (par hypothèses théoriques partielles) comme objets construits, que la comparaison (re)distribue en sous-classes.
Un corpus, après traitement, comprend trois sortes d’unités :
(a) celles qui ‘restent’ dans le corpus tel qu’il avait été empiriquement (inductivement, intuitivement) constitué ;
(b) celles qui en sont exclues ;
(c) éventuellement, celles qui ont été reconnues comme lui appartenant, et lui ont été annexées.

Le traitement des données proprement dit est basé sur trois opérations : schématisation, normalisation, structuration. L’ensemble opératoire pose le problème de la réduction et de la saturation.
La schématisation est fondée sur la constatation empirique qu’un objet quelconque (ici un discours) est multiplement organisé, et que, d’un point de vue donné, certaines de ses propriétés ne sont pas pertinentes, c’est-à-dire pas utiles pour analyser ou comparer l’objet. La schématisation constitue, à partir de l’objet empirique, un objet théorique.
Au sens propre, un schéma est l’expression visuelle de la réduction logique d’une information. [...] Tout nombre, tout mot, tout percept ne devient une information, ne devient utile qu’au moment où il est comparé à un autre, où il devient terme d’un rapport, d’une relation. [...] Il s’agit de décrire la totalité [des] observations à travers un plus petit nombre de concepts, mais dont la combinatoire est capable de décrire de la meilleure manière la somme des informations de départ dans un temps plus court. Bertin 1968 : 17, 20, 21
Un schéma, même lorsqu’on n’en donne pas une représentation graphique, a une structure analogue à celle de l’espace : il possède les dimensions de l’équivalence-sélection, de la combinaison, plus éventuellement celle de la diachronie. Un schéma est stable et normal, c’est-à-dire valide indépendamment des paramètres extérieurs (extérieurs en tant qu’ils n’ont pas été retenus pour la construction du schéma) ; il est, par conséquent, apte à régulariser des configurations éventuellement infléchies par le jeu desdits paramètres. Un schéma, enfin, est universel, c’est-à-dire qu’il couvre l’intégralité d’un référentiel. (Sur tous ces points, v. Bertin 1968).
Un bon exemple de schéma est celui des cartes publiées par les quotidiens au lendemain des élections. Les circonscriptions y sont figurées par des rectangles d’une surface proportionnelle à la population, disposés selon une topologie analogique du territoire réel.
Des couleurs figurent la victoire de la majorité ou de l’opposition, des hachures peuvent s’y superposer pour signaler une changement de majorité. Le résultat est une forme géométrique qui ‘ressemble’ à une carte, dont la topologie conserve certaines propriétés de la réalité (proportions, topographie), tandis que d’autres ‘détails’ non pertinents sont éliminés (relief, tracé de fleuves, etc.). Ce genre de cartes schématiques présente quelquefois d’instructives anamorphoses : ainsi, sur une carte du monde schématisant les populations des états le Canada, second pays par l’étendue, est ‘écrasé’ par la Chine et l’Inde. Sur une carte schématisant les achats d’armes, Israël et le Vietnam sont ‘gonflés’ par rapport à l’Inde et à l’Australie. L’analogie entre texte et carte peut être poussée assez loin (Palek 1979 : 288-9).

4.4. Normalisation
Il est évident que si l’on veut décrire et (re)construire un texte, on doit nécessairement partir de la ML de celui-ci. Il est tout aussi évident que cette manifestation doit être soumise à certaines opérations avant de faire l’objet d’une analyse sensée. Les réflexions de Levin demeurent valables si l’on remplace ‘poème’ par ‘texte’ :
Beaucoup des relations que nous trouvons dans un poème sont des relations existant entre des éléments linguistiques effectivement présents dans le poème ; beaucoup d’autres, toutefois, existent entre des éléments dont certains figurent dans le texte et certains dans le code du langage commun. Il est donc légitime d’introduire dans l’analyse d’un poème tout ce que nous pouvons savoir d’une construction et de l’histoire de sa dérivation transformationnelle. Levin 1962 : 54

Si d’autre part on généralise à l’ensemble de la simulation de génération,
les opérations de normalisation [...] peuvent être, dans une certaine mesure, objectivement formulées en termes de manipulations transformationnelles de phrases. Hendricks 1973 : 153
La normalisation consiste à conformer à un petit nombre de formes de référence des objets en grand nombre, et de formes variées. Une forme ‘à peu près’ courbe et allongée sera représentée par une ellipse, une forme ‘plutôt’ anguleuse et trapue, par un carré, etc. Dans les cartes dont je parlais au paragraphe précédent, la ‘réduction’ d’une circonscription (département) à un rectangle, ou celle de la Grande Bretagne à un polygone rectiligne, sont des normalisations.
Voici quelques opérations de normalisation du plan grammatical :
[...] possibilité de compléter les phrases défectives, résolution de l’homonymie structurale syntactico-sémantique, élimination de tous les éléments de référence du type PRO– Pro -nom, -adjectif, -adverbe, -verbe en leur substituant l’élément original , détermination du caractère défini, indéfini, général des arguments, etc. Petöfi 1973 : 255
La normalisation dépend de la schématisation, c’est-à-dire du choix des éléments et propriétés retenus pour la représentation théorique ; mais elle la règle, en rendant explicites et exploitables des principes tactiques de cohérence. Les exemples cités par Petöfi sont micro-structurels ; la remise en ordre chronologique d’un récit, par exemple, est macro-structurelle, tout comme l’explicitation d’inférences destinées à saturer une schématisation donnée.

4.5. Structuration
En première approximation, une structure est un système de transformations, qui comporte des lois en tant que système par opposition aux propriétés des éléments et qui se conserve ou s’enrichit par le jeu même de ses transformations, sans que celles-ci aboutissent en dehors de ses frontières ou fasse [sic] appel à des éléments extérieurs. En un mot, une structure comprend ainsi les trois caractères de totalité, de transformation et d’autoréglage. Piaget 1968 : 7
La structuration est une schématisation au second degré, schématisation des (transformations des) schémas ; décrire, en les classant par types, les régularités de projection des RS partielles en ML partielles, revient à fournir la structuration stylistique du texte. Reconnaître, dans un ensemble de schémas partiels, ou dans les parties d’un schéma, des relations qui peuvent se déduire les unes des autres au moyen de règles explicitables, revient à munir le schéma ou l’ensemble des schémas d’une structure, et le système d’une loi de composition interne. Définir par énumération un ensemble d’entités et un ensemble de relations schématise un monde (et sa représentation, une partie du texte) ; pour assigner une structure à ce monde, il est nécessaire d’expliciter les définitions en compréhension des ensembles d’entités et des ensembles de relations.
La ressemblance, l’ordre et la ‘proportion’ (ou analogie) – restitution, dans des places définies, de parties non manifestées, homologation de parties indépendamment de leurs propriétés internes, sont les principes de la structuration.

4.6. Réduction et saturation
4.6.1. Réduction
Ce sont là les étapes de la réduction : diminution de la dimension matérielle de l’objet, pour une manipulation plus aisée, mais aussi reconduction de faits multiples à un petit nombre de catégories aux relations déjà rationnellement connues. Les équivalences – p. ex. traits sémantiques communs – , les oppositions – entre traits – , sont des propriétés manifestées en agglomérats qui orientent l’interprétation. Les ‘nommer’, les assigner là où elles sont en vigueur, en fait les principes d’une (re)construction du texte. Savoir que dans les romans de la Table ronde, un chevalier doit ... aller à cheval, dicte des d’interprétations :
[chevalier à pied] = chevalier diminué
[chevalier en charrette] = anti-chevalier.
C’est au terme d’un travail de collationnement, d’homologation, que ces ‘évidences’ endoculturelles sont reconstituées, dégagées d’un réseau de comportements associés, opposés, propres à des classes de sujets réparties sur la base de multiples traits distinctifs ; l’analyse reconstitue ce qui se constituait et s’automatisait dans la vie sociale synchronique de la production de ces récits.

4.6.2. Saturation
En sens inverse, on a souvent à procéder à une saturation. Qu’il s’agisse d’un texte long, ou d’un ensemble de textes courts, l’usager compétent est en mesure de construire une hypothèse sur l’ensemble textuel, et c’est cette hypothèse qui lui dictera son interprétation et qui, aussitôt formulée, dirige et contrôle la perception des parties ‘nouvelles’ (c’est-à-dire non explicitement considérées pour formuler l’hypothèse). Nous comprenons un récit selon une compétence qui résulte de notre connaissance (compréhension, mémorisation) de récits entendus.
Dès lors, on sature parallèlement :
(a) le ou les schéma(s) du texte en y versant les données nouvelles, ou en associant aux places de schéma les données qui n’ont pas été retenues pour opérer la schématisation ;
(b) l’objet-texte lui-même en assignant à chacune de ses parties, même celles qui n’ont pas été retenues pour l’analyse, une ou plusieurs fonction(s)-relation(s) par rapport au(x) schéma(s).
Cette possibilité de saturation est une des acceptions du terme de structure : une structure serait un schéma capable de définir des éléments qui ne lui appartiennent pas directement, mais sont influencés par sa logique et/ou ses transformations.

4.7. Comparaison
Enfin, la notion de comparaison éclaire celles de saturation et structuration. S’il peut sembler que l’on doive comparer un objet avec un autre, on s’aperçoit en fait qu’il est parfaitement légitime (et très courant) de comparer un objet avec lui-même ; on le fait en confrontant plusieurs de ses ‘états’ :
trivial           Mon pauvre vieux, comme tu as vieilli ! 
illustre         Quand j’étais en partie autre homme que ne suis (Pétrarque, son. 1) 
parodique   Ça a bien changé et ça changera encore (Queneau).
On le fait en confrontant plusieurs de ses parties constitutives pouvant partager une même propriété (Il a les bras plus musclés que les jambes ; Le chapitre 10 est plus court que le chapitre 4 ; Il y a plus de personnages dans cette scène-ci que dans la précédente).
Lorsqu’on schématise le récit de Pinocchio, on reconnaît une séquence récurrente d’actions (Mandement, Dessein, Obstacle-Tentation, Hésitation, Manquement, Punition, Repentir, Epreuve, Secours, Salut, Récompense conditionnée par un Mandement,... ; Genot 1970).
On sature le schéma, qui fonctionne alors comme modèle de prévision pour la ‘suite du récit’, au moyen du roman ; on sature le roman en assignant à toutes ses parties une fonction dans l’une des cases du schéma.
Le résultat est la constatation que cette séquence-type se réalise de manière variable : conforme, défective, sursaturée, accompagnée d’expansions (dialogues, descriptions) elles-mêmes associées à des places de la séquence. Ce faisant, d’une part on compare le texte avec lui-même, et d’autre part on assigne à cette séquence (schéma) le rôle de base de commensuration, de principe de normalisation, de propriété structurelle. A ce point, on pourrait très bien avoir une structure qu’aucune partie du texte n’exécuterait de façon conforme : obtenu par une série de schématisations qui, comparées et normalisées, permettraient de construire un modèle compréhensif, un tel objet théorique aurait les propriétés de totalité, de transformation et d’autoréglage. Les récits analysés par Labov-Waletzky (1967) ont ainsi permis de mettre au jour une structure énonciative-narrative qu’aucun d’eux n’exécute de façon conforme, mais qui les sous-tend tous et permet de les commensurer.

4.8. Epuisement et exhaustivité
On dispose enfin d’une réponse théorique au (faux) problème de l’exhaustivité. La langue naturelle est un moyen de communication régi par un puissant principe d’économie, et cela parce qu’elle est un système (et par conséquent une mémoire). C’est un système de calcul qui, comme celui du calcul numérique ordinaire, permet
(a) de développer les opérations,
(b) de manier des résultats-types (constitutions sémantiques fixes et ‘reconnaissables’),
(c) de manier des formules vides (des schèmes, des ‘règles’) à compléter par des constantes interprétables.

Dès lors, ce n’est pas l’énumération complète qui fait sens, mais la correcte et explicite définition du plan ou de l’aspect du texte qui doit être schématisé, normalisé, structuré, puis saturé : au bout du compte, construit. Il n’est pas nécessaire (puisque ce n’est pas possible) de disposer de tous les énoncés d’une langue pour en établir la grammaire ; en revanche, tout énoncé ‘nouveau’ sera mesurable en termes de règles de grammaire.
Il n’est pas possible non plus de prévoir tous les sens que formule une langue.Si un texte n’est pas, stricto sensu, une langue, il est associé (et associable in futuro) à une quantité indéfinie d’autres textes ; ce qui est significatif, c’est, dans chaque cas, l’aspect de son système qui entre en relation avec certains aspects du système d’un autre texte. Epuiser le sens d’un texte est une prétention que personne ne peut avoir : tout au plus certains fanatiques prétendent-ils épuiser le sens du monde au moyen d’un texte. Timeo hominem unius libri.








Chapitre V
Catégories narratives


Dans les chapitres qui précèdent, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de sous-entendre que la narrativité constitue une dimension spécifique du sens, et un support de la relation entre l’homme et le monde. En cernant l’interprétation la plus contraignante de la thèse selon laquelle récit et grammaire sont conceptuellement organisés de la même manière, on ne fait que reconnaître de manière formelle que langage et comportement se garantissent, se légalisent mutuellement (relation bien plus intéressante que la spécularité).
La cohérence linguistique repose finalement sur ce que j’appellerais une « pragmatique oubliée », les règles linguistiques ayant perdu, par leurs automatismes conventionnels, le sens de leur origine ; mais cette pragmatique « fossilisée » s’apparente en principe à celle, vivante, de la cohérence anthropologique. Enfin, il n’est peut-être pas impossible d’imaginer certaines analogies entre la grammaire et l’anthropologie : les règles sociologiques du comportement, qui sont à la base de la cohérence anthropologique du texte, pourraient être formulées, non seulement dans le vocabulaire propre à la sociologie, mais encore, traduites, pour ainsi dire, dans une terminologie linguistique. C’est à cela que s’efforce, semble-t-il, la grammaire des cas proposée par Fillmore : l’établissement d’un ensemble fini de catégories de verbes permet de faire le pont entre les deux cohérences, entre les règles sociales et les règles grammaticales, un tel ensemble reflétant des options idéologiques profondes, et qui se trouvent du même coup projetées à la surface de la grammaire textuelle. Kibédi-Varga 1982 : 11
Dans la perspective de l’apprentissage du langage qui sous-tend sa sémantique, Alinei pose ainsi la relation décrite au plan anthropologique par Kibédi-Varga :
La logique de l’action précède la logique de la pensée et celle-ci ne détermine pas le langage mais le structure en lui fournissant les instruments logico-syntaxiques. Alinei 1974 : 220
Alinei voit là
un dessin dialectique très significatif : en premier lieu, au premier stade sensori-moteur préverbal, la syntaxe est externe ; quand on passe à la première phase linguistique holophrastique, la capacité linguistique s’extériorise tandis que s’intériorise la syntaxe ; ce n’est qu’au dernier stade que s’extériorise également la syntaxe et que commence la production de phrases. Alinei 1974 : 224

Si l’on n’oublie pas que l’homme est un animal territorial, et que sa ‘syntaxe’ est l’instrument essentiel de la défense de ses droits (Goffman 1971 : 43), on comprendra pourquoi la similitude entre catégories grammaticales et catégories narratives est autre chose que celle de modèles cognitifs artificiels ; ou s’il s’agit bien d’une similitude de modèles, c’est que ceux-ci sont commandés par ces ‘options idéologiques profondes’ dont parle judicieusement Kibédi-Varga. Plus précisément, ces modèles participent de et à la façon dont l’homme s’appréhende en une vue tendanciellement intégrée.

Si ce chapitre reprend certaines discussions déjà développées précédemment, c’est que la théorie narrativique ne diffère de la théorie grammaticale que par sa portée, c’est-à-dire par la dimension des unités, et par la force des contraintes qui s’exercent conventionnellement sur elles. On peut supposer que plus les unités sont étendues, plus les ‘règles’ qui en régissent le fonctionnement sont de nature statistique : l’emploi des phonèmes, des morphèmes, des syntagmes, etc., en raison du nombre très rapidement croissant des unités de ces systèmes, est contraint par des règles dont la nature est tout aussi rigoureuse, mais dont l’application est affaire de probabilité, et subit de nombreuses interférences.

Un récit est une communication d’un type particulier ; il faut donc en construire un modèle qui tienne compte des différentes données de l’événement. On peut poser un certain nombre de conditions, sous forme de postulats, pour qu’il y ait ce qu’on entend conventionnellement par récit ; ce seraient, en quelque sorte, les conditions minimales d’acceptabilité d’énoncés comme récits ou parties de récit. Tout en conservant comme base le point de vue grammatical, on doit en effet au moins tenir compte (sinon encore rendre compte) du fait que le récit est une interaction sociale.
Pour avoir une grammaire qui en soit une, on doit avoir à la fois un ensemble de catégories pour classer les éléments, et un ensemble de règles pour arranger les éléments [Jean Mandler, communication personnelle] [...] Une grammaire de récit optimale devrait avoir comme portée tous les textes qu’une culture donnée considère comme récits. C’est le consensus culturel, plutôt que la grammaire du récit, qui serait proprement l’arbitre final. Beaugrande 1982 : 387 ; 407

1.2. Postulats de narrativité
0.– Un univers extérieur, qui est le référentiel du monde (réel ou imaginaire) joue le rôle de référent de la communication narrative.
1.– Le monde du récit est constitué d’êtres et de relations entre ces êtres ; il peut être complètement énuméré à partir de la manifestation du récit et de l’interaction de celle-ci, du contexte/situation, et des participants de la communication narrative (et de leurs connaissances).

2.– On peut définir pour le monde du récit des limites de validité : coordonnées spatio-temporelles, ordre par rapport à d’autres mondes (notamment, le plus important, le monde possible réel cooccurrent à la communication narrative).
3 – Le monde du récit existe selon une certaine modalité (vérité, certitude, souhaitabilité, etc.), constituée dans, par, et pour la communication, par le récit, du monde du récit, et fonde une classification pragmatique des récits.
4.– La situation de communication est un monde de référence – et de survalidation/surmodalisation – défini par les données suivantes :
(a) coordonnées de l’événement,
(b) participants (narrateur, narrataire, monde du récit),
(c) canal/medium de transmission.
Ces dernières spécifications laissent supposer que l’on peut construire un modèle récursif, étant de même nature que celles qui servent à structurer le récit/message. Le modèle du récit est un modèle énonciation/énoncé ; de plus, la récursivité, qui joue dans l’énoncé (depuis les enchâssements narratifs jusqu’aux phrases subordonnées), et entre énonciation et énoncé, fonctionne aussi dans la transmission des récits, la répétition pouvant se paraphraser : X raconte que Y raconte que (...).

1.3. Validité narrative
La validité joue un rôle déterminant dans l’acceptation du récit par un auditoire, et repose sur trois ordres principaux de données : temps, espace, modalité.

Le statut du temps dans le récit ne se réduit pas à la chronologie, à la figuration de l’armature séquentielle-causale, même si cette dimension est la plus évidente, et inévitable. Les contraintes très fortes que connaissent la plupart des langues pour l’emploi des temps et modes verbaux dans le récit, montrent que lors même de la constitution de celui-ci, le temps joue un rôle de discriminateur entre le présent de l’énonciation communicative, et le temps de référence, l’enveloppe temporelle du récit. A l’appui, viennent les indications comme ‘il était une fois’, ‘il y a très longtemps’, jusqu’aux datations méticuleuses du roman réaliste moderne. Toutes ont pour fonction précise de situer d’avance (et continûment par l’emploi des temps et modes) le monde du récit par rapport à celui de la communication, et à celui, qui peut être différent, des auditeurs (leur monde habituel). Une fois ainsi posé et distinct, ce temps s’articule, et notamment exerce sa fonction de soubassement de la (re)mise en ordre des unités du récit.

Les localisations jouent le même rôle que le temps dans la validation du récit ; il existe une enveloppe spatiale du récit, un espace nécessairement continu, qui contient des points de référence variablement disposés.

Ceux-ci se combinent avec des points de référence chronologiques pour articuler en système la sémantique du récit, et notamment sa causalité, qui en garantit la nécessité idéologique. Si tous les récits peuvent être affectés d’une chronologie, un très grand nombre pourraient être schématisés, ‘résumés’, en termes de déplacements, ou du moins de successions de localisations. ‘Valablement résumé’ veut dire que la suite des propositions représentant les localisations successives des figures du récit pourrait être interprétée par les narrataires, et constituerait une base suffisante pour des inférences sensées.

La modalité énonciative est un facteur de typologie des discours, et elle peut jouer un rôle décisif dans des décisions d’acceptation de ceux-ci. Ainsi, une notice de montage d’une machine (rarement considérée comme un récit, fût-il prescriptif) est formellement identique, sauf pour la modalité axiologique-déontique, à la description de la même opération, telle qu’on pourrait la lire dans un roman de science-fiction ou d’espionnage industriel. Dans Mygale, roman noir de Thierry Jonquet, on lit ainsi la description minutieuse d’une opération chirurgicale de modification du sexe.
Le temps joue un rôle fondamental dans la modalisation, comme le montre le comportement distributionnel des verbes modaux des langues naturelles : c’est dire que l’enjeu est bien la relation qui s’instaure dans et par l’acte de communication, de sorte que la modalisation de l’énonciation prend en charge l’objectif, le but du narrateur, et la fonction finale de la narration.

Dans les pages qui précèdent, j’ai utilisé le terme de récit, y compris pour la traduction du terme anglais story ; ce dernier, utilisé de préférence par les auteurs anglophones, est plus parlant et attire l’attention sur le fait, un peu trop négligé par les narratologues français, qu’un récit est, après tout (sinon avant tout), une histoire qu’on raconte. Toutefois, l’asymétrie terminologique permet de poser plus clairement le problème ; par exemple, Beaugrande (1982) et Mandler (1982) discutent de la distinction entre ‘story grammar’ et ‘story schema’, celle-là étant une abstraction de celui-ci, que les usagers reconnaissent et reproduisent, mais ne connaissent pas : la grammaire serait la connaissance du schéma.

Il est bien connu qu’une histoire comporte bien des éléments qui ne font pas partie du squelette narratif (v. Hendricks 1973 : 58, 176), et dont la fonction est de situer le monde communiqué par rapport à la situation de communication et aux connaissances de ses participants (descriptions, commentaires, etc.) Ces parties de l’histoire sont souvent formellement identiques à d’autres parties de discours à destination différente (p. ex. injections documentaires tirées d’encyclopédies ou ouvrages spécialisés, dans beaucoup de récits d’aventures).
Claude Brémond (1973 : 323) distingue entre texte narratif (événements + enclaves) et récit proprement dit (événements seuls). Pour mettre en évidence le parallélisme avec la distinction énonciation-énoncé, je parlerai, quant à moi, de discours narratif, ce qui a l’avantage d’attirer l’attention sur le fait qu’on étudie une communication.

Le récit, comme squelette ou schéma directeur, est une abstraction :
La structure sous-jacente est coupée [abstracted] du point de vue narratif ou plutôt, celui-ci est non marqué , qui est une affaire de moyens employés par le narrateur pour nous faire percevoir les événements narratifs [story events] d’une manière particulière. Hendricks 1973 : 176
La base de la rhétorique du récit est une succession d’événements, représentée partiellement par une partie des unités du discours narratif. En d’autres termes : le discours narratif ne contient pas que le récit, et ne contient pas tout le récit ; lors de la réception, l’auditeur procède à un travail
(a) de tri des informations narratives au sens strict, et non directement narratives (modales au sens large) ; 
(b) de mise en ordre (reconnaissance ou projection d’un schéma intériorisé), exerçant une ‘compétence narrative’ ;
(c) d’inférence, pour reconstituer un système de causalité interprétable.
Je donnerai une priorité (qui n’est pas une exclusivité) à l’analyse du récit, pour des raisons de commodité que Brémond a bien exprimées :
Infrastructure du message narratif, il [le récit] ne contient pas, mais il porte les significations plus labiles qui motivent l’exégèse. Brémond 1973 : 323


1.5. Base de texte
La représentation formelle du monde du récit se fait comme pour tout texte : les notions de représentation sémantique (profonde et superficielle) et syntaxique (profonde et superficielle), d’origine grammaticale, sont applicables, et fournissent la notion de base de texte.

La Base de Texte (BT) est le réseau (RS) ou l’ensemble ordonné des propositions (SP) nécessaire et suffisant pour rendre compte du discours narratif (en constituer l’input). Comme le discours narratif déborde le récit, il y a une BT partielle, particulièrement intéressante, qui est l’input des parties proprement narratives du discours ; cette BT comprend aussi nécessairement la représentation des inférences du narrataire.
Je propose donc de distinguer au besoin entre :
(a) Base de Texte du discours narratif et Base de Texte du récit,
(b) Base de Texte implicite (ne contenant que les représentations d’unités du discours) et Base de Texte explicite (contenant les représentations des inférences). Le récit étant une abstraction et un artefact, la BT implicite du récit n’a d’intérêt qu’aux fins d’un répertoire des unités de récit effectivement manifestées dans un univers de discours narratifs.

Dans le cas de l’analyse narrative [...] il n’y a pas de correspondance simple entre unités de la structure sous-jacente et traits de la surface textuelle. Cela signifie que toute représentation adéquate de la structure narrative doit utiliser des termes théoriques qui n’ont pas de relation directe avec la surface textuelle. Ces termes théoriques ne sont pas découverts dans les données automatiquement par l’application de procédures – ils doivent être fournis par une théorie du discours narratif. Hendricks 1973 : 177
Les catégories narratives définissent conjointement (a) les types d’états de choses et  (b) les types de participants et de relations. Les postulats grammaticaux proposés étaient de nature narrative, si l’on admet que la dimension narrative surgit lorsque les configurations différentes de mêmes ensembles d’éléments sont ordonnées selon un principe de consécution-conséquence.

Il y a, semble-t-il, un assez large consensus pour considérer les concepts suivants comme primaires :
(a) Objets : entités conceptuelles à identité et constitution stables ; (b) Situations : configurations d’objets mutuellement présents dans leurs états actuels [current] ; (c) Evénements : occurrences qui changent une situation ou un état dans une situation ; (d) Actions : événements intentionnellement produits par un agent. Beaugrande-Dressler 1981 : 95
Je considérerai état et situation comme équivalents, étant entendu que situation implique plus d’un objet.  Evénement pourrait être également nommé procès (c’est le terme que je retiens). Enfin je crois utile de retenir le critère de contrôle pour distinguer état (sans contrôle) et position (avec contrôle), comme on distingue procès (sans contrôle) et action (avec contrôle).

2.1.2. Causalité
L’une des règles qui commandent la perception ordinaire de la causalité est post hoc ergo propter hoc : le double sens de ‘then’, ‘quindi’, ‘alors’ en sont de clairs indices. On peut supposer que la formalisation de la causalité consistera en une modalisation plus ou moins complexe de cette relation primaire qui est la vectorisation (ou mise en ordre) de deux états de choses ; une composition plus ou moins étendue de modalisations, aléthique, épistémique, de négations, de quantifications, rend généralement compte de ce qu’on appelle causalité.
Que notre conception de la causalité soit innée ou s’appuie totalement ou en partie sur des inférences inductives à partir de paires de situations ordonnées temporellement, il n’en reste pas moins que les assertions selon lesquelles deux situations se sont suivies dans le temps impliquent en général, pour le locuteur et son interlocuteur, que ces deux situations sont causalement liées. Lyons 1980 : 125-6

2.1.2.1. ENTR2 et ENTR1.
Pour la description d’un procès, on n’a besoin que d’un prédicat, entr, abstraction de la succession ; celle-ci peut être indiquée au moyen de valeurs d’arguments temporels (d’un prédicat cuf), ce qui permet d’énumérer les propositions dans un ordre indifférent ; elle peut l’être aussi par une mise en ordre totale, ce qui permet de neutraliser les valeurs temporelles.
De la sorte, on considérera comme équivalentes, la seconde étant plus économique, les deux paraphrases, pour <tx,ty> :
(a) en un temps tx c’est un fait que (proposition Px) et en un temps ty c’est un fait que (proposition Py)
(b) il s’ensuit de (proposition Px) que (proposition Py).
La seconde formule permet de manipuler des noyaux propositionnels, c’est-à-dire des formules allégées.
Or ce prédicat entr possède une propriété qui mérite attention. Le discours ordinaire présente souvent, d’un procès, seulement son état final, son résultat : autrement dit, on a tendance à présenter couramment un état comme état final d’un procès ou d’une action :
Les systèmes linguistiques naturels semblent avoir été construits, pour ainsi dire, pour décrire des situations dynamiques plutôt que statiques. Lyons 1980 : 134
Pour rendre compte de cette vision de l’état, on a proposé le postulat become ou come about (v. Lakoff 1970, part. 82-3, McCawley 1971, etc.).
la porte est fermée
(a) [la porte est fermée] (situation)
(b) [la porte est devenue fermée]
     (procès réduit à son état final).

Ce postulat supplémentaire est inutile : ce n’est rien d’autre que entr, rendu artificiellement monadique par l’effacement de la proposition représentant l’état initial du procès. Cela advient tout naturellement : la représentation d’un état final permet généralement d’inférer sans grand risques d’erreur l’état initial et éventuellement les états intermédiaires d’un procès. Si je dis je suis malade, j’entends aussi que [je suis devenu (de bien portant) malade]. En cas de nécessité, on pourra distinguer entre ENTR2 (dans son usage normal), et ENTR1 (destiné à donner une vue dynamique d’un état).

Cette discussion préliminaire était destinée à montrer que l’interprétation de la causalité peut avoir des retombées non négligeables sur la construction de formules représentant l’interprétation de la manifestation superficielle. D’autre part, causalité et agentivité sont deux notions profondément associées dans le langage ordinaire.
La causation ne devrait jamais être représentée comme un prédicat assigné à une personne, mais toujours comme une relation entre deux états de choses ou événements Wierzbicka 1975 : 494, n.10
Ce qui est primordial pour le linguiste c’est que bien que la causalité comme rapport entre deux situations se distingue logiquement de l’agentivité, un lien naturel unit ces deux notions et on en trouve le reflet dans la structure grammaticale et lexicale de nombreuses langues [...] Il y a donc une tendance sans doute universelle nous poussant à identifier la causalité à l’agentivité Lyons 1980 : 123
Le mécanisme de cette assimilation peut être décrit comme la réduction, la simplification et la polarisation d’une RS.

Pour deux états de choses, initial et final, d’un procès, on peut supposer qu’il existe un EdCh tel que s’il n’est pas cooccurrent aux deux états en question, la succession de ces états ne peut avoir lieu. Ce qui se passe généralement, c’est que l’EdCh ainsi associé, qui contrôle le procès, est généralement réduit à l’un de ces participants, les autres participants et les relations internes qui constituent l’EdCh étant passés sous silence, ce qui s’explique aisément par le fait que, par définition, cet EdCh n’est pas affecté par le procès (ou que s’il l’est, c’est dans une mesure qui n’est pas prise en considération). On a une bonne analogie avec la notion de catalyseur en chimie ; et Anderson (1971 : 172) parle de promotion du marqueur d’instrument au marqueur d’agent autonome.
Il existe, corrélativement à cette explication des glissements de la causalité à l’agentivité, des contraintes spatio-temporelles (Genot 1980), portant sur la continuité et les limites, et qui expliquent pourquoi ‘tuer’ n’est exactement (ou pas toujours) identique à [causer advenir non vivant] (v. aussi Wierzbicka 1975). Ce qui est certain, c’est que l’agentivité est une interprétation de la coprésence d’un procès et d’une entité individuelle, dont le caractère autonome est généralement accentué par l’effacement de données de sa situation : cette entité, dégagée de ses déterminations, est assumée par l’interprétation comme élément de contrôle du procès. En dernière analyse, la causalité incontrôlable est assignée à une entité (anthropomorphe) sur-naturelle.

2.2. Arguments, cas, rôles
Pour une structure propositionnelle de type préd (Arg 1, ...Arg n), un rôle est un argument ‘plus’ sa place dans la suite d’arguments requise pour expliciter le sens du prédicat. Ainsi pour l’exemple (informel)
P ® ENSEIGNER (a : x1, o+ : x2, o– : x3)
le nom de rôle de x1 = [a, ENSEIGNER] est ‘enseignant’ ; celui de x2 = [o+, ENSEIGNER] est ‘élève’, celui de x3 = [o-, ENSEIGNER] est, par exemple, ‘matière’. Ces termes de métalangage indiquent à la fois le contenu du prédicat et la place de l’argument dans la suite associée. Le rôle, ainsi entendu, fournit donc deux indications, sur l’ensemble des participants et sur l’ensemble des relations. Il est particularisé puisqu’il prend en charge la structure de sens du prédicat (quasi-lexicalisation). Un rôle appartient à une classe, strictement définie par les postulats que contient le prédicat ; cette classe peut être nommée cas (de structure profonde). Je propose donc une distinction à faire au besoin : un cas est une place d’argument valable pour une place de prédicats de même structure, non nécessairement de même contenu ; un rôle est une place d’argument valable pour un prédicat donné ; le rôle est ainsi une spécification de cas. Voici un exemple :
P ® f*entr*co (a, o+, so-, go-)
les cas sont : agent, objet (marqué), source, but ; les rôles sont :
(a) pour préd ® ‘porter’, porteur (a),
objet (o+), point de départ (so-), but (go-),
(b) pour préd ® ‘donner’, donateur (a,so-),
objet (o+), bénéficiaire (go-)

2.2.2. Rôles et cas
La réflexion sur les cas et les rôles est commune aux grammairiens et aux narratologues, et si les postulats sont ceux qui concernent les états de choses, les cas sont des théorèmes narratifs, qui fonctionnent comme primitifs grammaticaux.
Ma position est que la grammaire des rôles ou des cas est une des contributions importantes de la théorie grammaticale actuelle [...] Ce qui est significatif [...] n’est pas que les linguistes soient en désaccord quant à savoir quels rôles il y a, c’est-à-dire sur la spécification exacte de l’ensemble réduit de relations conventionnelles très probablement propriété de toutes les langues dans les termes duquel est organisée une large part de la structure sémantique. Ce qui est significatif est que, à mesure que les études des systèmes de rôles continuent, il semble y avoir une convergence dans les résultats [findings] des différents savants. Grimes 1975 : 118, 119
Grimes ajoute que l’idée de rôle ou cas est en train de tomber dans le domaine restreint des idées sur quoi deux linguistes sont disposés à se mettre d’accord.

2.2.3. Systèmes de rôles
2.2.3.1. Tableau comparatif.
Le tableau met en regard des systèmes proposés par des grammairiens : Tesnière (1966), Fillmore (1968, 1971), Saumjan et des narratologues : Greimas (1966, 1970), Doležel (1976), Grimes (1975). Dik (1978) et Platt (1971) traitent explicitement le rapport récit/grammaire. J’ai laissé de côté des systèmes marginaux : Pottier (1974), à base psychologique, compatible, mais terminologiquement extravagant, et Thom (1974) qui donne lieu à de belles élaborations mathématiques, mais n’est autre que celui de Tesnière.

Ce tableau, au fond, illustre bien ce que dit Grimes : les noms diffèrent, les critères peuvent varier, mais un certain nombre de convergences se font jour, au delà des différences de procédures ou d’objet.
a. – Agent. C’est le point de plus complet accord, et cela correspond à une interprétation anthropologique immédiate : il est d’une importance écologique primordiale de distinguer les procès, les flux d’événements, des entités qui les contrôlent ; ou encore : de distinguer dans le monde extérieur les participants passifs des participants capables d’infléchir le cours des événements. Plusieurs systèmes distinguent agent (animé, volontaire) et force (non animé, causatif non contrôleur) : ce sont des options sur la causalité.
b. – Objet. Les dénominations diffèrent, et on a des diversifications plus ou moins détaillées (p. ex. Fillmore ou Grimes) ; mais la notion est commune à tous : les discriminants sont l’opposition +/– animé et la distinction individu/EdCh (grammaticalement : nom/proposition).
c.– Objet indirect. C’est une sous-classe marquée, généralement affectée du trait +animé (qui la hiérarchise en cas de cooccurrence avec un autre objet). L’importance quantitative des notions de transfert, et leur importance pour la genèse du sens et la formation de la compétence, se reflète dans des dénominations comme datif ou bénéfactif. Il s’agit aussi de rôles d’êtres affectés et non créés (ou détruits, ou déplacés) par l’action.
d.– Instrument. Presque tous les systèmes comportent l’instrument, et l’entendent comme un relais de causalité.
e.– Source, but, locatif. Tous les systèmes, (sauf celui de Doležel) comportent des notions correspondant, pas toujours de manière bien distincte, à deux ordres de données spatiales : d’une part le domaine spatial de validité, d’autre part des objets (marqués) constituant le domaine spatial d’un état de chose subordonné (ce qu’on appelle des objets possédant le trait +spatial, qui n’est rien d’autre que la possibilité d’être le lieu où quelque chose se passe). Grimes propose une notion intéressante.


Schéma 10
Systèmes de ‘cas profonds’

2.2.3.3. Solutions particulières.
a.– Fillmore propose deux rôles : contre agent (cf. Greimas : anti-sujet), et comitatif (cf. Platt : participatif) qui sont constitués un peu comme l’instrumental : ils servent à intégrer en une structure propositionnelle simplifiée une construction complexe d’enchâssements (pour des notions symétriques comme lutter, rencontrer, etc.).
b.– Greimas, inspiré par la structure schématiquement polémique des contes et des mythes, disjoint l’instrument en adjuvant et opposant, tandis que Grimes diversifie la notion, en construisant une sorte de continu de l’instrument à l’objet, ce qui est très intéressant.
c.– Grimes diversifie la notion d’objet, d’une manière qui me paraît compatible avec l’interprétation que j’ai donnée des notions de source et but (v. 2./5.1.4.).
d.– Dik, qui distingue sur la base du contrôle, est amené à proposer des rôles intéressants de positioner (participant d’état, contrôleur), de neutre (comme Platt, participant passif d’état), ainsi qu’une notion formelle de force, comme rôle marqué de procès.

Les systèmes déjà diversifiés de Grimes, Dik et Platt nous acheminent vers des systèmes à nombre plus élevé de rôles. Beaugrande-Dressler (1981 : 111, n.16) remarquent que les typologies des linguistes ont généralement un nombre moins élevé de catégories que celles des spécialistes de l’intelligence artificielle.

Heydrich (1976) propose un système de 45 rôles, dont 24 ‘terminaux’, les autres représentant des degrés de généralité croissants :


Schéma 11


Remarque. Les exemples n’illustrent que les ‘terminaux’ ; les nœuds intermédiaires sont aussi des rôles spécifiables, pour lesquels Heydrich donne des exemples.

(a) En premier lieu il y a trois classes de rôles non spécifiés : actifs (up), passifs (uo), passifs-actifs (uh).
(b) En second lieu, la distinction entre spécification du noyau (ks) et participant du noyau (kp) correspond au fait que toute proposition est une structure d’enchâssement, représentable par un prédicat (cuf = c’est un fait) et trois arguments : deux domaines, spatial (sp) et temporel (st), et un noyau propositionnel.
(c) La spécification de (st) en source temporelle et but temporel introduit la distinction entre état (ponctuel ou duratif) et procès.
(d) Le reste du système repose sur la distinction entre état, procès et action.



Schéma 12
Graphe de Heydrich

Ce système repose sur les postulations suivantes :
– Un rôle est, soit externe, soit interne à la relation nucléaire de forme Préd (Arg 1,...Arg n).
– Les deux rôles externes primaires sont : temps et lieu.
– Le fait est, soit un état, soit un procès (suite d’états).
– Si le fait est un état, il comprend, soit un argument et une propriété, soit une relation entre plusieurs arguments.
– Si l’état comprend un seul argument-participant, on l’appelle experiencer.
– Si l’état comprend plus d’un participant, on appelle habens tout élément de classe marquée, objet, tout élément de classe non marquée.
– Si le fait est un procès, on appelle agent la classe marquée selon le critère de causativité.
– La classe non marquée selon la causativité admet une sous-classe (non marquée-)marquée, instrument.
– Dans la classe non marquée selon la causativité, la sous-classe (non marquée-)non marquée est l’objet.

En schématisant à l’extrême, on aboutit donc à la définition conjointe d’une double catégorisation d’états de choses et de rôles codéfinis : c’est la même que celle qui a été construite au plan ‘grammatical’.

Schéma 13

2.2.6. Systèmes restreints et diversification.
On peut se demander s’il vaut mieux avoir un système de catégories comprenant un nombre restreint d’éléments différents (7 dans le schéma précédent), ou un système plus diversifié (45 chez Heydrich). En fait, prédicat et suite d’arguments se codéfinissant, il est clair que multiplier les définitions de rôles revient à poser des postulats de prédicats, tout comme diversifier les postulats primaires de relation entraîne une spécification des rôles associés. J’ai trouvé préférable de procéder dans l’ordre suivant, justifié par la commodité empirique :
– définir un petit nombre de catégories d’états de choses,
– définir un petit nombre de cas, ou catégories de rôles,
– définir un petit nombre de catégories de relations,
– prévoir la sous-catégorisation et la composition des relations,
– prévoir la semi-lexicalisation des prédicats dérivés, et corrélativement, des rôles qui représentent alors la configuration de cas.
Le dilemme alors n’existe plus, c’est affaire de tactique dans la formulation théorique.

La notion de motif a été définie par les formalistes russes, sur un critère de clôture sémantique, d’autonomie : le motif est susceptible de ‘migrer’ d’un récit à un autre, en gardant une configuration reconnaissable. Propp est responsable à la fois d’une généralisation et d’un rétrécissement pratique de la notion (qu’il nomme fonction).
En substance, il ne réussit pas à poursuivre son traitement systématique du niveau générique des fonctions au niveau spécifique – il ne catalogue et ne spécifie pas toutes les manifestations spécifiques d’une fonction selon un système simple et cohérent. Hendricks 1973 : 173
A l’autre pôle, les folkloristes (Aarne-Thompson et successeurs), et certains auteurs qui les ont suivis pour cataloguer du matériel non folklorique (Rotunda 1942), se sont appuyés exclusivement sur les données figuratives.
Le résultat a été une séparation de plus en plus radicale des deux tendances. Doležel, à qui on doit une reprise systématique de la question et un ensemble cohérent de propositions d’analyse narrative (1971a, b, 1972, 1976), considère cette dichotomie comme une ‘maladie infantile’ de la théorie, et fait remarquer que l’analyse en fonctions convient bien à des récits très standardisés, tandis que l’analyse en motifs rend mieux compte de récits moins stéréotypés, comme ceux de la littérature savante moderne (1971b : 173). Le rapport entre fonctions (redéfinies) et motifs a été analysé par Larivaille (1982).

2.3.2. Définition du ‘motif’
Je définirai donc le motif comme le constituant narratif correspondant, au plan figuratif, à la proposition de SP. Cette correspondance indique que le motif peut, tout comme la ‘phrase’, embrasser des réseaux sémantiques d’une complexité extrêmement variable. Un motif consiste en un ensemble de figures (images de parties du monde) et un ensemble de relations unissant ces figures en un micro-système (structure de solidarité). Il peut être statique (relations stables, état, procès duratif) ou dynamique (suite d’états, procès, action).
L’unité du motif peut être fondée sur plusieurs facteurs en interaction :
(a) un sous-ensemble de figures cooccurrentes (configuration),
(b) un type de relations ou d’ensemble de relations,
(c) un domaine spatio-temporel de causativité considéré comme continu.

On peut classer les motifs d’après :
(1) le nombre de leurs participants (définis ou non), ce qui est une sorte de ‘valence’ du motif,
(2) le type de relation, c’est-à-dire la composition de prédicats qui le constitue,
(3) le domaine figuratif auquel appartiennent les participants, c’est-à-dire les traits sémantiques non directement fonctionnels ([± humain], etc.) qui donnent la coloration sémantique du motif,
(4) la relation paradigmatique ou syntagmatique avec d’autres motifs, notamment la place du motif dans une suite normée, ou ‘séquence’.
Certains de ces critères, strictement grammaticaux, sont les mêmes qui servent à définir des classes de verbes. D’autres, les ‘traits’ figuratifs, sont en fait des condensés, au même titre que les ‘mots’ définis par Alinei (v. Chap. 3.) ; la transformation de motifs en traits est une constante de la tradition narrative, comme elle est une base de l’intériorisation de la syntaxe dans le lexique de la langue historico-naturelle.

Un rôle est un poste défini dans une configuration définie associée à un ensemble défini de relations. Une figure est un être du monde, individuel ou non, pouvant entrer dans une configuration de coprésence, d’interaction et de solidarité ; une figure peut consister en un ensemble d’êtres, ou en un être et un comportement jouant comme prédétermination (‘trait’, comme on le verra). La figure est la constante de la variable qu’est le rôle ; elle définit, comme dans l’algèbre numérique, la valeur, la portée, le sens de chaque formule-motif.







Chapitre VI
Economie des motifs narratifs


Des unités narratives assimilables aux propositions de la SP fournissent un cadre général pour l’analyse et la classification des unités de contenu. Il est possible de spécifier d’abord le prédicat, puis de passer de ce niveau général (correspondant au motifème de Doležel) à un niveau spécifique, où les rôles sont ‘couverts’ figurativement.

Je laisserai de côté le problème de l’énonciation narrative, et la structure d’enchâssement qui doit représenter complètement le texte narratif. Je ne parlerai ici que d’unités d’énoncé, mais la forme récursive de référence permet de traiter de la même manière l’énonciation représentée, et l’énonciation du narrateur. On peut construire une suite de schémas de complexité croissante.

1. Etat
Paul possède ‘Ulysse’
2. Procès
Paul perd ‘Ulysse’

[Paul possède ‘Ulysse’] puis  [Paul ne possède pas ‘Ulysse’]
3. Action directe
le porteur donne ‘Ulysse’ à Paul

le porteur cause que [Paul possède ‘Ulysse’]
4. Action indirecte*
Jacques envoie Ulysse à Paul par porteur

Jacques cause que [le porteur cause que [Paul possède ‘Ulysse’]
5. Modalisation*
Jean souhaite que Jacques envoie ‘Ulysse’ à Paul par porteur
6. Communication
Lucien dit à Louise que Jean souhaite
que Jacques envoie ‘Ulysse’ à Paul par porteur
* Causative, factitive    **’Constitution de monde
Ce qu’on peut attendre d’un modèle narratif, c’est
(a) un ensemble de principes descriptifs permettant de constituer les unités narratives, des plus simples aux plus complexes, en indiquant de manière explicite et non ambiguë les relations formelles entre types ;
(b) des procédés pratiques associés aux principes formels, qui contrôlent interprétation, classification, comparaison, réduction et saturation.

Ces cinq classes ont servi de cadre de classification pour des recueils de récits (Larivaille-Genot 1979 ; Genot-Larivaille 1985). Je me limiterai à décrire les noyaux propositionnels : les coordonnées spatiales sont ignorées, et les coordonnées temporelles seront réintroduites lors du traitement de la cohérence narrative.

Les motifs descriptifs statiques sont représentés par des propositions d’état. Leur structure est la plus simple :
Pétat1 ® préd (o)          le chat (o) est noir
Pétat2 ® préd (o+, o–)             le pot (o+) contient la confiture (o)
                                              la confiture (o+) est dans le pot (o)
Les postulats de sens qui servent là sont, soit des ‘adjectifs’, soit des ‘verbes d’état’ ou des termes de relations statiques simples, comme [coïncider], [contenir], [être en contact], [percevoir].

Leurs formes générales les plus développées sont :
Pprocès ® entr*préd (so+, go+, so, go)
Jean (so) est devenu un homme (go)
le livre (so+ = go+) passe de la table (so-) à la bibliothèque (go)

Paction ® f*entr*préd (a, i, so+, go+, so, go)
Marie (a) coupe le jambon (so+) en tranches (go+) avec un couteau (i)
Judith (a) porte les draps (so+ = go+) de l’armoire (so-) sur le lit (go)

Leur forme générale est :
Pmodale ® f*co*mod (am, o+m, o–m : Pdescr)
quelque chose (am) me (o+m) dit que tu te trompes (o-m
Jean (am) a envie d’aller au cinéma (om
MOD représente un complexe modal, et les rôles sont l’agent modalisateur, le patient de modalisation, et une proposition descriptive. Les différentes références de am, o+m, et de l’agent de la Pdescr diversifient ces motifs. Par ailleurs, en prédéfinissant le contenu de la Pdescr enchâssée, on obtient un inventaire assez étendu, par exemple :
dette = obliger [donner]                             curiosité = désirer [savoir [...]]
convoitise = désirer [posséder]

1.2.4. Motifs communicatifs
Leur structure est :
Pcom ® com (acom, o+com, o–com : Pmodal)
Jacques (acom) informe Paul (o+com) que la lettre est arrivée (ocom) (modalité épistémique)
Jacques (acom) reproche à Paul (o+com) d’avoir dormi (ocom)  (modalité axiologique ; Paul est à la fois destinataire de la communication et agent de la proposition modalisée objet de celle-ci).

Les formules de communication doivent être suivies d’une formule de modalisation :
com*[f*co*k]
information (et communication simple)
com*[f*co*O]
ordre, promesse, interdiction, etc.
com*[f*co*g]
approbation, réprobation, souhait, conseil, louange, etc.
L’enchâssement des motifs permet de représenter de manière économique (et proche des formules verbales correspondantes) des états de choses assez complexes ; ainsi, une requête de don sera ainsi formulée :
Pcom ® com (acom : chevalier, o+com : roi, o–com : Pmodale)
Pmodale ® f*co*g (am : pauvreté, o+m : chevalier, o–m : Pdescr)
Paction ® f*entr*posséder (a : roi, i : intendant, so+ : chevalier, go+ : chevalier, so– : 0 ducat, go– : 100 ducats)
le chevalier dit au roi qu’il voudrait que le roi lui fasse donner 100 ducats par son intendant
Regroupement du prédicat, et énumération des arguments en une formule synthétique :
Pcom ® com*[f*co*g*[f*entr*posséder]] (acom : chevalier, o+com : roi, am : pauvreté, o+m : chevalier, a : roi, i : intendant, so+ : chevalier, go+ : chevalier, so– : 0 ducat, go– : 100 ducats)
Réduction des coréférences :
[acom, o+m, so+, go+ : chevalier] = [demandeur]
[o+com : roi, a : roi] = [destinataire de demande]
Semi-lexicalisation :
Prequête ® demander (Demandeur : chevalier, Sollicité : roi, Donateur concret : intendant, Objet : 100 ducats)


1.2.5. Hypermotifs
Ce sont des couplages fixes de motifs unis par une des relations sim (simultanément), vel (ou ...ou ...), maj (degré plus élevé).
Leur structure générale est :
Phyper ® sim/vel/maj (o+ : P1, o– : P2)
Les trois prédicats sont binaires, mais vel et maj peuvent être utilisés comme prédicats monadiques, et intégrés dans des motifs comme, par exemple :
com* [f*co*g* [f*co*k* [vel* [f*entr*co]]]] (...)
[demander si ... donner]
x demande à y si z lui donnera 100 ducats [ou non]

Les classes formelles ainsi définies, ‘remplies’, en un premier temps, au moyen des postulats de sens définis précédemment, couvrent une grande quantité de formules narratives. A partir de la base générale du complexe prédicatif, la spécification des motifs se fait comme pour les verbes de la langue naturelle.

Un motif donné est défini par un complexe prédicatif et un ensemble d’arguments ; ceux-ci sont des rôles du complexe prédicatif, et sont d’autre part couverts par des constantes figuratives. Outre la structure du complexe prédicatif, la configuration des arguments-rôles-constantes spécifie le motif.
Le premier critère qui permet de spécifier une formule générale est la relation entre le nombre d’arguments-rôles et le nombre de participants distincts : ces deux nombres sont liés, mais le second est égal ou inférieur au premier. Ce qu’on appelle la valence d’un verbe se définit de la même manière : certains rôles sémantico-logiques peuvent être coréférents, c’est-à-dire couverts par une même ‘constante’, ou entité du monde identique à elle-même.
Soit la formule :
P ® f*entr*co1 (a, so+, so-, go-)
[transférer] = [causer que advenir que objet coïncider avec ‘lieu’ ]
(a) Si les 4 arguments sont couverts par des constantes figuratives différentes,
(a : x1, so+ : x2, so– : x3, go– : x4), et que
x1 = [+ animé], x2 = [± animé],  x3 = [– animé, + spatial],
x3 = [– animé, + spatial]
on aura la ‘version’ [porter]
(b) Si les 4 arguments sont couverts par 3 constantes figuratives différentes,
(a : x1, so+ : x1, so– : x2, go– : x3), et que
x1 = [+ animé], x2 = [– animé, + spatial],  x3 = [– animé, + spatial]
on aura la ‘version’ [aller] = [se transporter]
(c) Si les 4 arguments sont couverts par 3 constantes figuratives différentes,
(a : x1, so+ : x2, so– : x1, go– : x3), et que
x1 = [+ animé], x2 = [± animé], x3 = [+ animé]
on aura la ‘version’ [donner] = [transférer]
Dans ce dernier cas, si x1 = [+ animé, + spatial], et x3 = [+ animé, + spatial], on aura une ‘version’ [remettre] = ‘tendre’, ital. ‘porgere’.
La configuration logique est inchangée, mais la figuration ‘actorielle’ est chaque fois différente et permet ou requiert, dans la langue naturelle, une lexicalisation différente, et une catégorisation des motifs narratifs.

Un autre critère de diversification des formules générales est la focalisation, c’est-à-dire le choix d’une ‘lecture’ de la relation qui constitue le motif. Ainsi, le ‘même’ fait d’un objet passant d’un possesseur à un autre, peut être décrit du point de vue de celui qui acquiert l’objet, ou de celui qui en est dépossédé, ou du point de vue de l’objet qui passe d’un possesseur à un autre, ou d’un point de vue extérieur. La focalisation narrative équivaut à la topicalisation sémantico-logique.
Souvent, la focalisation va de pair avec le contrôle de l’action. Reprenons l’exemple d’un transfert d’objet :
P ® f*entr*co1 (a, o+, so–, go–)
[transférer] = [causer que advenir que
objet coïncider avec ‘lieu’ ]
Cette formule pose une hiérarchie de focalisation : agent ® objet ® possesseur(s) ; [a = so–] équivaut à [donner] ; [a = go–] où l’agent est le possesseur final, équivaut à [prendre].
Mais le ‘même’ processus peut également être ‘regardé’, non comme [advenir*appartenir], mais comme [advenir*non*appartenir] :
P ® f*entr*neg* co1 (a, o+, so–, go–)
[ôter] = [causer que advenir que [objet non coïncider avec ‘lieu’ ]]
Si [a = so–], il faut alors entendre [x1 causer que advenir que x2 ne pas appartenir à x3], ce qui équivaut à [prendre] ; [a = go–] où l’agent est le non-possesseur final, équivaut dès lors à [donner].

Les deux ‘lectures’ suivantes du procès correspondent encore à la focalisation secondaire sur l’objet transféré.
P ® entr* co1 (o+, so–, go–)
[passer à] = ‘échoir à’
P ® entr*neg* co1 (o+, so, go–)
[quitter] = ‘échapper’ (p. ex. héritage, gratification)
P ® f*entr*co2 (a, so+, go+, o-)
[transférer] = [causer que advenir que « lieu » coïncider avec objet] = ‘doter’ pour [a = so+], ‘s’emparer’ pour [a = go+].
P ® f*entr*neg* co2 (a, so+, go+, o–)
[ôter] = [causer que advenir que « lieu » non coïncider avec objet] = ‘renoncer’, pour [a = so+], ‘dépouiller’, ‘déposséder’ pour [a = go+].
P ® entr* co2 (so+, go+, o–)
[acquérir] = ‘toucher’ (p. ex. argent)
P ® entr*neg* co2 (so+, go+, o–)
[perdre] = ‘perdre’ (i.e. se trouver dépossédé)

La différenciation des motifs repose aussi sur les traits sémantiques inhérents des constantes. Les traits les plus décisifs sont [± humain], [± animé], [± spatial]. Dans une culture donnée, de nombreux prédicats (souvent très complexes) constamment associés à des entités du monde, tendent à devenir des ‘traits’ de ces entités, des propriétés interprétées comme ‘inhérentes’, et servent à co-sélectionner d’autres entités, définissant ainsi des configurations non interdites, et finissant par déterminer une vue normative sur les événements. Les adjectifs sont ainsi souvent des prédicats devenus des propriétés inhérentes ; ainsi, ‘généreux’, paraphrasé en ‘qui donne volontiers et/ou abondamment’, peut se trouver associé au nom de rôle [roi], qui lui-même est un terme synthétique.
La mise au jour des traits sémantiques pertinents pour la description d’un univers narratif ne peut se faire que progressivement, selon une procédure de superposition et de normalisation qui reproduise le mécanisme ordinaire de l’acquisition de l’encyclopédie par le sujet locuteur. Quelques catégories universellement valables sont, dans chaque culture, corrélées régulièrement à des catégories secondaires (des prédicats intériorisés), contingentes (= variables) et arbitraires (= objet de convention), et cette corrélation constitue le code de la culture en question. Ce code est ‘déposé’ dans le système du lexique de la langue historico-naturelle, dans le corpus des proverbes, des récits, et de quelques autres classes de discours didactiques, qui constituent la mémoire de la culture.


1.4. Programme d’exploration des types simples
Des perspectives assez larges s’ouvrent donc à une recherche ‘déductive’, c’est-à-dire à l’exploration, préliminaire et conditionnelle, des possibles combinatoires fondés sur les catégories générales, postulats de sens, formes simples de motifs, traits inhérents. Un programme possible est :
(1) Enumérer systématiquement les compositions de postulats de sens, pour les 5 classes décrites, et notamment explorer le fonctionnement de la négation. Ex. [posséder], [manquer de], [acquérir], [doter], [convoiter], [demander (don)], [refuser (don)].
(2) Enumérer systématiquement les coréférences de rôles possibles, et explorer leurs portées interprétatives. Ex. [ordonner], [obliger], [vouloir], [porter], [envoyer], [aller].
(3) Enumérer systématiquement les hiérarchies de focalisation, et notamment explorer les interprétations des interactions qu’elles permettent de représenter Ex. [posséder], [appartenir], [donner], [prendre], [déposséder], [perdre].
(4) Constituer des ensembles hypothétiques de ‘traits sémantiques’ par superposition (paradigmatique) et analyse componentielle (décomposition) de traits complexes donnés comme inhérents. Ex. [généreux], [(animal) domestique], [utile], [dangereux], [grand], [facile].
La contre-épreuve du lexique des langues historico-naturelles constitue dans tous les cas un contrôle empirique qui s’apparente à la méthode expérimentale ; la recherche des corrélats lexicaux de formules ‘calculées’ à partir des postulats et des règles de construction est une ‘vérification’.

Comme en général on obtient un résultat qui n’est pas biunivoque, c’est-à-dire, non
[formule] Ûlexème’, mais
[formule] ®{ ‘lexème1’, ‘lexème2’ ... ‘lexèmex’ }
la ‘synonymie’ sert d’indice et de guide pour la recherche, soit de traits pertinents complémentaires, soit de prédications normalement associées. Ainsi, ‘donner’, ‘vendre’ et ‘léguer’ sont ‘synonymes’ jusqu’à un certain point, pour la notion de [transférer (objet)] ; pour rendre compte de la différenciation, il faut formuler, d’une manière ou d’une autre, que ‘vendre’ consiste en deux transferts d’objets de différentes catégories (à la différence de ‘troquer’), que ‘léguer’ présuppose des relations définies entre les participants de l’action (parenté, ou sim.), et une action conjointe (enregistrer, ou appeler des témoins, etc.). On entre ainsi dans la problématique des types complexes et de la sémantique culturelle.

En toute rigueur, seules les relations statiques binaires constituent de ‘vrais’ motifs simples ; ce sont des motifs élémentaires. Quant aux motifs ‘simples’, il faut bien un peu de souplesse dans leur définition, comme pour celle de la ‘phrase simple’. Convenons d’appeler motif simple un motif qui peut être décrit au moyen d’une proposition simple, et convenons d’appeler proposition simple une proposition représentant un sous-graphe partiel dont les relations peuvent être composées en un complexe prédicatif unique ; c’est ce qui advient ordinairement lorsque les coordonnées spatio-temporelles sont bloquées, et qui permet de distinguer (ou de considérer comme synonymes) [tuer] et [faire mourir].
Quelle que soit la complexité de la situation, si elle n’est pas décomposée en sous-situations partielles non connexes, affectées par exemple de coordonnées de validité discontinues, on peut traiter ladite situation comme un motif simple. D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de représentation de l’action, dans le langage ordinaire il est normal que les coordonnées spatio-temporelles, qui définissent le domaine et la portée de celle-ci, soient prioritaires pour sa représentation.
Toutefois, les possibilités de décomposer un motif sont en fonction directe de la complexité de celui-ci ; et comme cette décomposition est un des ressorts de l’articulation narrative et de sa dramatisation, il convient d’en examiner théoriquement quelques facteurs fondamentaux.

2.1. Complexité temporelle
Une réduction courante, et qui permet de jouer de la focalisation et de la négation, est celle qui représente une action selon le déterminisme final, c’est-à-dire en orientant la description des changements vers l’EdCh final. Cela donne lieu à des inférences sans risque, où l’on peut construire des propositions dont le noyau propositionnel est dérivable de celui de la proposition formulée : ‘Jacques est arrivé à Paris’ permet d’inférer que, [auparavant, Jacques n’était pas à Paris]. Tout EdCh peut donc être visé, soit comme situation statique, soit comme état final d’un processus de changement.
La simultanéité, au contraire, ne peut être réduite de la même manière, puisque les contenus des noyaux propositionnels, dans ce cas, ne sont pas dérivables les uns des autres. Il est théoriquement possible d’énumérer toutes les propositions correspondant à une RS complexe, sans les ordonner, dès lors qu’on les affecte de leurs coordonnées de validité. C’est ce qui arrive souvent dans la conversation ordinaire, lorsqu’on évoque des souvenirs, appelés les uns après les autres par des similitudes contingentes (types d’actions, figures actorielles), et qu’au cours de la discussion, les interlocuteurs s’efforcent de dater et de situer tel ou tel fait.

Le récit réalise une économie en fonctionnalisant la position relative des propositions dans une topologie marquée par des connecteurs. Comme la règle (ou le cas normal, non marqué) dans le récit est la mise en ordre, c’est la simultanéité qui est marquée. L’intérêt pratique de disposer d’une notion dérivée des coordonnées de validité et d’une notation apparaît lorsqu’on rend compte, sous forme de motifs complexes à armature temporelle, de notions comme [simultanément [communiquer que P] et [assumer que non P]]. Dans ce cas, c’est la simultanéité des deux états de choses qui constitue l’intérêt (la portée) du motif, et le reconnaître permet de classer MENTIR, soit avec d’autres cas de simultanéité, soit relativement à COMMUNIQUER et ASSUMER.

Dans de nombreux récits, traditionnels, contes, légendes, épopées, on trouve des suites de motifs de même contenu factuel, mais arrangés en gradation. Un chevalier fait un don magnifique, le roi fait un don plus magnifique. En outre, même en l’absence d’une dramatisation de la gradation, la notion de [degré (plus) élevé (que la norme)] est à la base même du récit, qui la plupart du temps affirme plutôt la grandeur des personnages et des actions que leur banalité (qui est pourtant, en raison de la vocation didactique du récit, le fond de l’affaire).
Le postulat maj vaut [plus que] lorsqu’il lie deux propositions explicites, et de contenu non nécessairement semblable : je fume plus de cigares que tu n’expliques de règles de grammaire. Il vaut [grandement] lorsqu’il est appliqué à une seule proposition explicite, sous-entendant une proposition de contenu identique, et dont le ‘degré’ est normal pour la culture en question.
C’est, comme pour les coordonnées spatio-temporelles, un moyen de mise en ordre, qui instaure une hiérarchie sans qu’il soit besoin à chaque fois d’indiquer des dimensions, des durées, des quantités. On peut ainsi distinguer ‘combattre vaillamment’ de ‘combattre’.

Le postulat vel permet de rendre compte de motifs complexes où joue une alternative. Ainsi : ‘le sorcier demande au héros s’il est fils de roi ou s’il a volé son épée’, résume qu’il s’agit de savoir si le héros est fils de roi ou non et par conséquent s’il a volé son épée ou non. Ici, deux alternatives sont liées ; lorsqu’il n’y en a qu’une, elle est généralement figurée en abrégé, la proposition sous-entendue pouvant être inférée sans risque du contenu de la proposition explicite et du prédicat vel. L’hésitation, la tentation, sont ainsi représentables : ‘Auguste hésite entre [VEL] punir et pardonner’, ‘Pinocchio hésite à [vel] manquer l’école’, c’est-à-dire entre manquer l’école ou non.

2.4. Récit et grammaire
Les opérations courantes que j’ai rappelées, synthèse, paraphrase semi-analytique, sous-entendu et inférence, sont communes à la technique du récit et au langage ordinaire. Une ‘grammaire du verbe’ fournit la forme théorique des opérations d’analyse narrative.

Pour les motifs simples et pour ceux dont la complexité est le résultat des opérations économiques de réduction et d’homologation, la plupart des faits de structure narrative sont de même nature que des faits grammaticaux connus, avec seulement une portée différente, une extension plus diversifiée.
En particulier, la possibilité de définir, répertorier, interpréter un motif dans plusieurs ‘dimensions’ (MENTIR comme simultanéité, communication, modalisation), correspond à la pratique ordinaire des locuteurs aussi bien qu’à l’art des narrateurs, qui consiste principalement à jouer de ces différentes dimensions. Varier les formulations, graduer les représentations sémantiques, déclencher des inférences, fait collaborer le narrataire à la construction du monde du récit, et non seulement l’intéresse au contenu de celui-ci, mais aussi lui en fait assimiler la méthode.
Les mécanismes de la lexicalisation, tels que je les ai présentés précédemment (3/1.2.), établissent une liaison fonctionnelle entre aspect logico-syntaxique et aspect figuratif et sémantique du motif. La figuration, dans le domaine narratif, est définissable dans les mêmes termes logico-syntaxiques que le lexique par rapport à la grammaire. Mais si elle repose sur des mécanismes parfaitement normalisés, elle prend en compte la variété indéterminée des fixations culturelles, des encyclopédies multiples, et des acceptions contingentes.


3. Types complexes : acceptabilité
Les motifs ne sont pas des unités isolées : ils constituent des ‘histoires’, des récits concrets, qui à leur tour, étant des systèmes, affectent leurs parties de propriétés déterminées par l’économie du système entier.
une histoire est comprise ou suivie sur la base de a) certains traits généraux assignés à ses personnages, sa situation, etc. et b) certains événements ou contingences qui affectent ses personnages. [...] Nous suivons une histoire à travers des contingences – accidents, coïncidences, événements imprévisibles de toutes sortes ; toutefois, la direction générale de l’histoire et sa progression continue vers sa conclusion finale réussissent en quelque sorte à rendre ces contingences acceptables. Gallie 1964 : 33, 30
Beaucoup de motifs nécessitent pour être compris, proprement combinés avec d’autres, correctement interprétés quand ils sont ainsi combinés, la connaissance particulière de ‘règles’ qui sont loin d’être universelles, et qui constituent en fait une partie déterminante de l’encyclopédie d’une culture donnée. Mettre en relation cette connaissance partielle et la ‘normalité’ ou ‘acceptabilité’ narrative est une nécessité de l’interprétation socio-culturelle des récits.

Le cas de l’instrumental est typique de la manière dont un EdCh complexe peut être interprété, réduit et formulé synthétiquement dans les limites d’une grammaire au sens strict, et, inversement, diversifié et développé dans le récit.
Je coupe mon pain avec un couteau réduit
[je agir sur couteau pour que
[couteau agir sur pain pour que
[pain devienne tranches]]]

Cette réduction montre que toutes les fois qu’une vision globale, synthétique, continue (spatio-temporellement), est suffisante, le langage ordinaire élabore des formulations simples et économiques.
Mais il peut être nécessaire, notamment à des fins didactiques, au lieu de viser l’action globale et son résultat final, d’en mettre au jour toute la mécanique, de démonter les relais de causativité, de reconstituer les échelles temporelles et les portées spatiales, en somme de ‘barrer’ l’opération de synthétisation et de condensation. C’est ce qui advient couramment dans le récit.
Soit un ensemble de faits, décrits sommairement :
(a) j’achète un couteau, et plus tard je l’utilise pour couper mon pain
(b) j’envoie une lettre à un ami par la poste
(c) je sauve la vie d’un homme, qui plus tard m’aide à devenir riche

On passe presque insensiblement d’une notion proche de celle d’ ‘instrumental’, synthétisable en une phrase minimale, à une possibilité de ‘développement’ relativement étendue. Des relations qui sont, dans le langage ordinaire, normalisées et synthétisées en constructions grammaticales standardisées et lexicalisations courantes, sont, dans le récit, tantôt traitées de même, et tantôt problématisées, analysées, articulées au lieu d’être comprimées. La causalité intermédiaire est souvent le cœur même du récit, la partie de sa structure, et du discours qui la manifeste, à laquelle le narrateur et le narrataire portent le plus d’intérêt. Le ‘développement’, c’est-à-dire la décomposition logique et la couverture figurative détaillée des relations entre [agent], [instrument], et états de choses contrôlés est toujours hautement significatif d’une culture, de ses codes et de ses valeurs.

Sous le nom de ‘séquence’ d’abord, puis de ‘code proaïrétique’, Barthes (1966, 1970), entre autres, a souligné l’existence d’organisations non formelles, mais fortement conventionnelles, dont le nom, ‘Séduction’, ‘Fuite’, suffit à l’utilisateur compétent pour reconstituer idéalement le cours entier d’une action.
Dans toute bonne histoire, le facteur contingence s’ajuste à ce que nous sentons être partie intégrante de la vie quotidienne. [...] nous pouvons parfaitement bien admettre qu’il y a dans toute histoire beaucoup de développements qui peuvent être prévus, p. ex. les développements de routine tels qu’ils peuvent aisément être télescopés en une simple phrase, du moment qu’ils peuvent presque être considérés comme allant de soi. Gallie 1964 : 29, 25
La ‘contingence’ est ici une imprévisibilité logique qui est en même temps une prévisibilité culturelle ; elle est informative au sujet des valeurs et des contraintes, des permissions et des prohibitions. Ainsi, dans des contes italiens du Moyen-Age, on a souvent une séquence de routine : DESIRER (AVOIR, SAVOIR) + SE DEPLACER
+ DEMANDER + DONNER, REPONDRE
Dans la ‘routine’ de ce qu’on appelle globalement QUETE, le [déplacement] indique que pour une certaine culture, l’objet du savoir ou les biens doivent être cherchés à l’extérieur. La séquence comprend normalement une issue positive (le roi, ou le sage, fait un don, ou répond) ; la représentation de routines anormales (le roi refuse, le sage ignore ou ne veut pas répondre) réaffirme, confirme les normes courantes.
Les enchaînements de motifs qui constituent des suites contingentes, par définition, doivent être observés, et il n’y a ni intérêt théorique, ni possibilité pratique d’énumérer théoriquement des suites.

Dans le récit, tout et n’importe quoi peut arriver, c’est-à-dire succéder à n’importe quoi. Mais, dans une culture donnée, des prévisions locales sont possibles ; c’est même une des définitions opératoires possibles de la culture : domaine où sont possibles des prévisions normales.
Par exemple, un motif isolé, un ensemble solidaire de motifs, ou plusieurs motifs considérés comme équivalents, peuvent, indépendamment de leur contenu, être interprétés comme [punition] s’ils répondent à un certain nombre de conditions :
(1) Le motif PUNITION est interprété comme une action, assignable à un agent, et (surtout) affectant un patient.
(2) Cette action en suit une autre ; c’est une réaction, au point que si une [punition] frappe quelqu’un sans que l’on sache ce qu’il a ‘commis’, l’interprétation tend à construire des inférences pour combler ce manque.
(3) Le patient du motif PUNITION est coréférent à l’agent du motif précédent ; facultativement, l’agent du motif PUNITION est coréférent du patient du motif précédent (‘vengeance personnelle’).
(4) La première action est, implicitement ou explicitement, interprétée comme ‘mauvaise’ (présupposition axiologique ou déontique négative). C’est au point que si une action est interprétée comme [punition], cette interprétation peut avoir un effet rétroactif sur l’action précédente (j’ai été puni, donc c’était mal).
(5) L’action ‘punitive’ est implicitement ou explicitement interprétée comme dysphorique pour le patient (présupposition axiologique négative).

Dire ‘indépendamment de leur contenu’ ne signifie pas vraiment que, ces conditions étant réunies, n’importe quelle représentation d’action sera automatiquement interprétée comme [punition] ; en fait, ces différents prérequis contraignent plus ou moins la structure et le contenu dans une culture donnée. Il doit bien y avoir des cas où recevoir un chèque de 1 million peut être interprété comme une [punition].
On voit, à l’énumération de ces conditions, que
(a) les codes culturels jouent un rôle essentiel, notamment pour les présuppositions axiologiques et déontiques ;
(b) l’énumération des contraintes permet d’imaginer un passage graduel des motifs (définis au plan morphologique) aux fonctions (définies au plan syntaxique) ; les fonctions pourraient être entendues comme des motifs ou suites de motifs affectés de contraintes concernant la consécution contingente, la coréférence, et les présuppositions (principalement axiologiques et déontiques).
Ce que nous prenons pour des contingences, lorsque nous suivons une histoire, doit alors être expliqué comme des développements que nous aurions pu, ou idéalement dû être capables de prévoir. Gallie 1964 : 32


3.3. Motifs, modèles séquentiels, fonctions
Les modèles séquentiels, même lorsque, comme ceux de Brémond (1973) et Larivaille (1974), ils sont satisfaisants en tant que structures normalisées de référence servant à mesurer, comparer, interpréter la logique narrative et la représentation discursive, ne disent rien sur le contenu des compartiments.

Propp, quant à lui, mélangeait termes fonctionnels et termes figuratifs. La prévisibilité du contenu de la fonction, ou de la valeur fonctionnelle d’un motif, reste nulle en absolu ; mais elle croît jusqu’à la valeur 1 si le récit s’allonge, si le nombre des récits courts formant corpus augmente, si le consensus culturel entraîne une stéréotypie :
Il y a des conventions communément acceptées qui limitent dans une certaine mesure les développements possibles dans une histoire de tel ou tel genre particulier.[...] L’opinion publique, un préjugé ou une tradition locale ou familiale, jouent souvent un rôle crucial dans le développement d’une histoire. Gallie 1964 : 39, 50
La contingence constitutive de toute ‘bonne’ histoire se mue en une sorte de nécessité a posteriori qui est, à y bien regarder, la condition et l’enjeu même du récit, le signe de sa réussite, mais aussi sa fin, aux deux sens du terme.

Si l’opinion, les préjugés et les traditions jouent un rôle crucial dans le développement d’une histoire, il me paraît tout aussi prouvé que le développement des histoires joue un rôle crucial dans la formation des opinions, des préjugés et des traditions ; cette formation est même, à vrai dire, leur finalité la plus constante.
La notion de motif, qui correspond d’une part à la fonction narrative, et d’autre part à la proposition logico-sémantique, doit son utilité opératoire et sa commodité d’emploi à son double statut de construction quasi-formelle et d’unité figurative ; il est d’une part ‘calculable’ (comparable, dérivable, etc.), et d’autre part ‘reconnaissable’ (identifiable comme totalité).

C’est une notion qui a bien traversé les différentes théories narratologiques, et qui a pu être élaborée de manière à peu près continue, pour produire une évidence spécifique, et conforme à l’intuition courante en associant complexité formelle (enchâssement, coréférence, présupposition) et consolidation de relations contingentes (figuration comme corrélation, succession comme code).


4. La figuration narrative
La notion de motif a été longtemps définie presque exclusivement en rapport avec la figuration : les index des folkloristes (Aarne-Thompson et la suite) enregistrent des configurations d’acteurs, affectées d’une restriction contingente de l’ensemble de leurs relations possibles dans un univers culturel. Propp, inversement, tend à sous-estimer la figuration, au point de confondre des noms de rôles de fonctions, comme ‘auxiliaire magique’ avec des noms de figures, comme ‘dragon’. Ces deux insuffisances imposent de clarifier le problème des spécialisations, ou contraintes figuratives, et du ‘réalisme’.

4.1.1. Traits sémantiques
Les ‘traits sémantiques’, qui servent dans l’analyse componentielle comme postulats de sens, sont en réalité, on l’a vu, un ‘dépôt’ syntaxique dans les unités lexicales. Les traits sémantiques (sèmes) permettent de construire une unité intermédiaire entre représentation sémantique et manifestation, le sémème, ensemble de traits représenté par un lexème, qui associe ces valeurs sémantiques et des disponibilités syntaxiques. Les traits sont les traces de prédications dans lesquelles l’entité désignée par le lexème occupe des rôles définis.
Soit le lexème ‘chien’. Il lui correspond idéalement un ensemble de prédications :                         P1 ® préd1 (A : x, ...)             Û          /trait 1/
...
   Pn ® prédn (A : x, ...) Û          /trait n/

Pour x associé au sémème [trait 1, ... trait n], on a le lexème ‘chien’. En résumé, chaque ‘trait’ synthétise une proposition, un ensemble lié de tels traits signifie qu’une même constante (un individu du monde) peut occuper une place définie dans ces propositions corrélées ; et si tel est le cas, on peut utiliser un lexème donné. Il est clair que dans la majorité des cas, nous prenons d’abord connaissance des entités du monde, et ensuite seulement de leurs propriétés ; mais que l’on aille des définitions aux noms, ou l’inverse, le raisonnement est le même.
Le lexique est une liste d’unités capables de se combiner en une représentation lexicale de texte, qui est la projection présumée de la RS de texte. Les unités du lexique sont analysables sémantiquement et combinables syntaxiquement. La relation entre catégorie lexico-grammaticale et structure prédicative est à la fois arbitraire et conventionnelle, et fonde l’économie apprentissage-socialisation-mémoire en articulant reproduction et créativité d’une manière spécifique.


4.1.2. Portée extensionnelle des noms
La portée (valeur extensionnelle) des noms est une illustration de la plasticité de la langue historico-naturelle par rapport aux constitutions sémantiques. Les classes sémantico-logiques de noms sont les suivantes :
(1) Nom d’individu : seuls des noms propres ne véhiculent aucune information sur les propriétés de leur référent ; ce cas est difficile à rencontrer : ainsi, ‘Jean’, ‘Zeus’, ‘Médor’ contiennent-ils une ‘information’, même si celle-ci est fragmentaire et ambiguë.

(2) Nom de figure : ce sont des noms qui correspondent à des sémèmes, ensemble de traits sémantiques qui sont les traces de prédications latentes : ‘chien’, ‘renard’, ‘chevalier’. Ce dernier exemple a fixé en manifestation linéaire la trace d’une relation : [agent-objet marqué de [MONTER (a : x, o+ : x, o- : cheval)]].
(3) Nom de rôle : ces noms réfèrent à des individus dans le domaine d’une proposition ; ils sont co-définis par (a) le contenu du prédicat, (b) le rôle de l’entité dans la proposition : ‘lecteur’, ‘couteau’. Dans la terminologie de Saumjan, ces noms sont obtenus par déprédication : v. ci-dessous ‘roi’.
(4) Nom de motif : ces noms correspondent à la nominalisation du prédicat ; ils permettent de mentionner la proposition sans définir les constantes de rôles, qui peuvent toutefois réapparaître comme ‘compléments de nom’ : ‘promenade (de Jean dans les bois)’, ‘torpillage (du Terrible par le Bismarck)’.

Les noms de figures et de rôles représentent deux degrés d’abstraction différents, et surtout deux portées différentes. Le nom de rôle est défini dans le domaine de la proposition-motif ; le nom de figure est défini dans le domaine flou d’un ensemble ouvert de telles propositions-motifs ; le nom de rôle est intensionnel, le nom de figure est extensionnel.
Les personnages doivent d’abord être présentés et décrits en termes généraux, de sorte que nous puissions savoir quelle sorte de gens ils sont. [...] Les personnages sont présentés et décrits en premier lieu en termes aisément reconnaissables, dans des situations routinières ou caractéristiques, de sorte que nous connaissons en gros le genre de gens dont nous allons suivre les actions. Gallie 1964 : 23, 41-42

La ‘présentation’ dont parle Gallie a généralement lieu en termes ‘descriptifs’, qui sont ceux d’actions habituelles ou duratives ; mais dans les récits traditionnels ou stéréotypés, il suffit parfois d’un simple nom de figure pour déclencher une attente du narrataire : là se marque la collusion entre figure et rôle, et le nom est une sorte d’instruction de routine, une présélection de possibles.
Soit le nom ‘roi’ et son corrélat sémantico-logique [roi]. Si nous disons : x1 est roi, nous synthétisons en fait un nombre indéfini de propositions du type
P ® préd (A : x1, ...)
par exemple (informellement) : [x1 commander en guerre], [x1 rendre la justice], [x1 récompenser ses fidèles], [x1 faire grâce aux conspirateurs], etc. C’est le genre d’énumération qu’on trouve dans les dictionnaires. Un nom de figure, s’il ne s’agit pas d’un nom ‘propre’ (individuel), renvoie à une classe de formules d’interaction, et constitue généralement une nomination mnémotechnique d’un ensemble de rôles associés. Un nom de figure est en somme un nom de rôle(s) figé(s).
Il s’ensuit que la notion de rôle habituel, qui correspond à une co-sélection de rôles associés à un individu, et qui peut être nommée compétence de la figure, est la condition de la reconnaissance qui fonde la valeur didactique du récit. Une prédétermination, associée au nom, fonctionne comme appel de programmes normaux d’action, qui sont le contenu de l’attente du narrataire. L’interprétation du récit en est conditionnée comme dialectique entre virtuel et actuel, escompté et réalisé, normal et infractionnel, etc.

La connaissance des rôles habituels a des retombées importantes :
(a) nommer un motif dans une tradition narrative donnée, permet une prévision des classes figuratives qui peuvent occuper ses différents postes d’arguments ;
(b) nommer, dans une tradition narrative donnée, une classe figurative, permet une prévision des classes figuratives qui peuvent lui être associées, et des relations qui peuvent alors être en vigueur.
La bonne histoire consiste en choses à moitié dites qui demandent à être complétées par la propre expérience de l’auditeur. Steinbeck, Tortilla Flat.
La prévision est une partie de la compétence narrative, qui déclenche la dialectique du connu et du nouveau. Gallie (1964 : 42) explique que l’intérêt que nous portons à une histoire provient du fait qu’à des acteurs connus en gros, il arrive des événements contingents, imprévisibles mais acceptables. J’ajouterais que toute la force du récit est de rendre l’imprévisible acceptable, de faire rentrer les choses dans l’ordre, quelle que soit la définition (variable avec les cultures) de cet ordre, qui est en fin de compte celui du dicible et du compréhensible.



Chapitre VII
Cohérence et progression du récit




La notion de cohérence est centrale dans la définition du texte, et doit avoir une place dans une grammaire de texte adéquate. Classiquement, c’est plutôt la ‘cohésion’, c’est-à-dire le marquage de la cohérence, qui est étudié (Halliday 1964, Halliday-Hasan 1976, Gutwinski 1976).
Pour le récit, il est nécessaire d’élaborer une acception spécifique de la cohérence, qui rende compte de la pragmatique des histoires. Certains facteurs de cohérence sont propres au récit, et d’autre part le traitement (par le narrateur et par le narrataire) de la discontinuité y est également spécifique :
différents auditoires possèdent leurs propres capacités et dispositions à tirer un sens d’un texte qui leur est présenté, par exemple en opérant des inférences pour résoudre des contradictions ou des discontinuités. Beaugrande 1982 : 411

Beaugrande met en garde, à juste titre, contre la construction de modèles qui traiteraient comme des phénomènes marginaux les cas où le narrataire, comme dit Steinbeck, a la charge de reconstruire la moitié de l’histoire. Il mentionne les histoires policières, racontées avec des omissions et des déplacements. Il reste que les termes mêmes de discontinuité, omission, déplacement, indiquent que l’on peut construire un modèle de référence par rapport auquel calculer les distorsions, qui ne sont des distorsions que par rapport au modèle, et constituent des fonctionnements qui peuvent parfaitement être admis, majoritaires, normaux, dans un univers de récits donné.

Le système sémantique du récit peut être conçu comme un ensemble ordonné de RS partielles, et représenté au moyen d’une suite de graphes correspondant à des sous-mondes partiels ordonnés :
R ® <G1, G2, ... Gx>

Un sous-graphe partiel Gi appartenant à cette suite est une ‘situation’ définie par
(a) un contenu (un ensemble d’entités et un ensemble de relations entre ces entités),
(b) une place dans la suite.
Les sous-graphes partiels peuvent être représentés par des SP, et sont manifestés par des suites morphosyntaxiques de la ML.
A partir de là, on peut décrire des relations entre n’importe quel sous-graphe partiel et n’importe quel(s) autre(s), de manière générale en considérant des places relatives, et de manière détaillée en énumérant les contenus et procédant à un calcul approprié.

Les principales relations entre sous-graphes partiels d’un récit sont :
(a)    R (G1, ({G2,...Gx})     sit. initiale / toutes les autres
(b)    R (Gx, ({G1,...Gx-1})  sit. finale / toutes les autres
(c)    R (G1, Gx)                   sit. initiale / sit. finale
(d)    R (G1, Gi)                    sit. initiale / sit. quelconque
(e)    R (Gi, Gi+1)                 deux sit. successives
(f)     R (Gi, Gn)                   deux sit. quelconques

Convenons d’appeler cohérence : ce qui est commun à deux (ou n) structures ; on peut concevoir sa forme comme un prédicat à deux places, et son contenu, comme l’intersection de deux ensembles. Cette définition ne fait pas reposer la cohérence sur la réitération de formes, qui constituerait plutôt un aspect de la cohésion ; les variations lexicales, synonymie, paraphrases semi-analytiques, périphrases descriptives de figures, anaphore pronominale, permettent de traiter la réitération des données sémantiques, nécessaire tout autant à la cohérence qu’à la progression du récit.
Ce qui est réitéré peut se réduire à un ‘trait’ sémantique, mais peut aussi consister en une RS complexe ; dans la bande dessinée, de vignette en vignette, tout ou partie de la représentation du ‘personnage’ reparaît ; dans le récit ordinaire, c’est son nom ou les synonymes de celui-ci. Le ‘Nouveau Roman’ fondait sa cohérence figurative sur des traits minimes, ordinairement considérés comme contingents et ‘insignifiants’. Dans Le Château des Destins croisés, Italo Calvino raconte la construction de récits au moyen de cartes du jeu de tarots : la cohérence est alors à constituer, et c’est le thème du récit (les narrateurs reprennent des récits illustres).

Je traiterai cet aspect en termes de formules de la SP ; l’application aux autres structures (RS, ML) est affaire de transposition.
Pour deux propositions quelconques, la formule de cohérence,
Pcoh ® COH (Pi, Pn)
permet de définir :
(a) Le type de cohérence : identité, inclusion, intersection ; p. ex. deux propositions peuvent avoir le même prédicat, l’une peut avoir un prédicat ‘inclus’ dans celui de l’autre (f*co ou f*entr dans f*entr*co), les deux prédicats peuvent avoir des constituants communs (f*co*g et f*co*O) ; de même peut-on définir des relations entre les ensembles d’arguments.
(b) Le domaine de cohérence est la partie des structures considérées concernée par la relation de cohérence : prédicat, partie de prédicat, cardinal des arguments, cas, rôles, figures définies. Type et domaine sont partiellement redondants, en raison de la solidarité / codétermination du prédicat et de l’ensemble des arguments ; on peut, en conséquence, définir la cohérence dans un domaine plutôt que dans un autre, et la qualifier alors selon un type plutôt que selon un autre. Deux propositions qui sont en relation de cohérence-identité pour le cardinal des arguments ou pour les figures définies (‘personnages’) peuvent n’avoir qu’une relation de cohérence-intersection pour les prédicats, les cas, les rôles.
(c) La portée de la cohérence est l’énumération des structures liées par la relation, et notamment de leur place dans la suite des RS partielles. En général, plus la portée de la cohérence est grande (le nombre des RS élevé), plus le domaine de la cohérence se restreint, et donc se précise. Un cas particulier de portée est l’intervalle qui sépare les places des structures associées : la portée qui définit directement le récit est celle d’intervalle 1, c’est-à-dire la relation (e) définie ci-dessus (deux situations ‘successives’ dans le temps).
Les trois éléments de la cohérence seront ainsi formulés :
COH-ID, COH-INC, COH-INT (type : identité, inclusion, intersection)
COH-Xarg, COH-Xcas, COH-Xrôl, COH-Xfig (domaine : arguments, cas, rôles, figures définies)
i,nCOH-Xx , i-nCOH-Xx (portée : deux propositions Pi et Pn ; l’intervalle des propositions Pi à Pn)
Dans la suite, je ne donnerai que des versions informelles de ces types.

– Cardinal d’arguments :
P1 ® Paul donne un livre à Jean
P2 ® Jacques pose un plat sur la table
P3 ® Jules déchire le journal

Ces trois propositions présentent une cohérence (assez peu intéressante) du cardinal des arguments : ce sont des prédications à 3 arguments, P3 ayant un argument non défini [x] qui pourrait être ‘figuré’ par [morceaux] ou sim. La formule en serait : 1-3COH-IDarg.
– Rôles et figures :
P3 ® Jim envoie une lettre à Tom par avion
P4 ® Jules coupe le pain (en  tranches)(avec un couteau)
P5 ® Tom montre ses pommiers à Jules
Voici quelques relations de cohérence entre ces trois propositions :
3,4 ® ident. des rôles entre P3 et P4 {a, i, o+, o-}
3-5 ® {a, o+, o–} rôles communs aux trois
5,4 ® {a, o+, o–} rôles de P5 inclus dans P4
3,5 ® la figure {Tom} est commune à P3 et P5
4,5 ® la figure {Jules} est commune à P4 et P5
3,4 ® aucune figure commune à P3 et P4
Les cohérences des arguments, des rôles, des figures, peuvent se renforcer ou se contredire ; elles constituent des principes d’homologation que les usagers maîtrisent automatiquement.

La cohérence des prédicats se constitue de la même manière.
P6 ® Jules ordonne à Jim de lui rendre ‘Ulysse’
P7 ® Jim doit rendre ‘Ulysse’ (à Jules)
P8 ® Jim ne veut pas rendre ‘Ulysse’ (à Jules)
P9 ® Jim ne rend pas ‘Ulysse’ (à Jules)

(Rappel : ORDONNER = com*f*co*O*[...] ; DEVOIR = f*co*O*[...] ; DESIRER = f*co*g*[...])

Les relations de cohérence suivantes, qui constituent un commentaire assez précis de ce ‘récit’, peuvent être définies :

6,7 ® [f*co*O*RENDRE] inclusion = obligation de rendre
7,8 ® [f*co] point commun = modalisation
8,9 ® [neg] point commun = négation
C’est ainsi que Doležel recourt à une notion de cohérence modale lorsqu’il propose de décomposer les récits et de les différencier en récits (ou parties de récits) atomiques ou moléculaires :
Les histoires atomiques seront définies comme des chaînes de motifs caractérisées par la propriété d’homogénéité modale. Homogénéité modale signifie que toutes les formules modales apparaissant dans la chaîne doivent être formées au moyen d’opérateurs appartenant à un et un seul système modal. [...] Si dans une chaîne de motifs apparaissent des formules comprenant des opérateurs de deux ou plus de deux systèmes modaux différents, la chaîne sera interprétée comme une histoire complexe moléculaire, c’est-à-dire manifestant deux ou plus de deux histoires atomiques. Doležel 1976 : 144


La cohérence étant décrite en termes d’intersection, on peut définir comme différence dissymétrique entre deux structures Pi et Pn l’ensemble des éléments de l’une qui n’appartiennent pas à l’autre. Là aussi, on peut définir le domaine et la portée ; mais il n’y a qu’un type : en effet, si l’ensemble est vide, il n’y a pas de différence, et s’il ne l’est pas, on n’a qu’un cas, qui est un sous-ensemble d’éléments prédicatifs ou d’arguments. Soit les exemples déjà utilisés :
P6 ® Jules ordonne à Jim de lui rendre ‘Ulysse’
P7 ® Jim doit rendre ‘Ulysse’ (à Jules)
P8 ® Jim ne veut pas rendre ‘Ulysse’ (à Jules)
P9 ® Jim ne rend pas ‘Ulysse’ (à Jules)
Voici quelques différences dissymétriques, resp. prédicats, et figures :
6,7 ® {ORDONNER} ce que contient P6 et non P7
7,6 ® {DEVOIR} ce que contient P7 et non P6
8,7 ® {neg*DESIRER} ce que contient P8 et non P7
6,7 ® {Jules} figure dans P6 et non dans P7
7,6 ® {Æ} rien n’est dans P7 qui ne soit dans P6
8,9 ® {Æ} rien n’est dans P8 qui ne soit dans P9
Si P7, P8, P9 ont les mêmes figures, ce n’est pas le cas de P6 et P7 ; la différence dissymétrique entre P6 et P7 (dans cet ordre) est {Jules}, entre P7 et P6, c’est {Æ} ; cela ne signifie pas que ces deux propositions ont les mêmes figures mais seulement qu’il n’y a aucune figure dans P7 qui ne soit dans P6.

La différence symétrique entre deux structures Pi et Pn est l’ensemble du sous-ensemble des éléments de Pi qui n’appartiennent pas à Pn et du sous-ensemble des éléments de Pn qui n’appartiennent pas à Pi . Ainsi :
7,8 ® {O ; neg*g}           8,7 ® {neg*g ; O}
Les deux sous-ensembles sont évidemment les mêmes, mais ils forment deux couples différents, où l’on tient compte de l’ordre des deux propositions dans la structure d’ensemble.
6,7 ® {Jules ; Æ}
{Jules} figure dans P6 et non dans P7; mais le sous-ensemble des figures qui sont dans P7 et non dans P6 est vide.
La différence dissymétrique sert à noter quelque chose comme la progression du récit, quand elle est calculée sur des propositions ordonnées sur le vecteur de celui-ci ; elle désigne ce qui change sur ‘fond’ de cohérence. La différence symétrique désigne ce qui change radicalement entre deux propositions, ce qui les oppose, ce qui s’y oppose ‘contre’ la cohérence.
Ces deux notions sous-tendent la procédure empirique de segmentation proposée par Voigt, qui correspond à la ‘scène’ du théâtre classique :
Pour analyser les structures narratives, la procédure la plus appropriée serait de prendre pour base des segments de textes de telle sorte que la scène de l’action 1, son temps 2, l’agent de l’action 3 et l’action elle-même 4 soient pris comme modificateurs ; et on ne parlerait de l’apparition d’un nouveau segment que lorsque au moins un de ces facteurs changerait. Voigt 1972 : 67

1.3. Continuité et discontinuité
Les notions de cohérence, différence dissymétrique et différence symétrique ont pour valeur pratique de servir à décrire le récit de telle sorte que soient mises en évidence des relations locales que l’interprétation ordinaire du récit traite automatiquement. Une représentation stricte de l’input des formules manifestées dans un récit laisse apparaître, le plus souvent, des discontinuités que d’autres ‘versions’ du récit, comme le résumé, tendent à combler (v. Kintsch-van Dijk 1975).
Le ‘travail’ du narrataire (récepteur du récit) consiste, partant d’une BT Implicite (l’input des propositions manifestées), à construire une RS complète, la BT Explicite, qui contient toutes les inférences nécessaires pour rendre le récit continu et cohérent. Si la BT Implicite est unique, il existe un nombre indéfini de Bases de Texte Explicites, d’abord parce que tous les narrataires ne construisent pas nécessairement les mêmes inférences, et ensuite parce que ces inférences sont déterminées par les conditions de diverses occurrences de communication. On peut avoir à ‘expliquer’ (saturer) une même histoire de différentes façons, selon les interlocuteurs et selon le but de la narration.

On ne peut donc proposer que des principes généraux, à spécifier dans chaque cas : dans une culture donnée, en effet, il existe un consensus tacite et automatisé pour résoudre les problèmes de cohérence et de continuité du récit. La connaissance du monde (réel ou fictif, scientifique, historique ou légendaire) y joue un rôle fondamental. Réciproquement, c’est progresser dans la connaissance d’une culture que d’identifier ce qui dans cette culture ‘va de soi’ et peut donc être passé sous silence pour gagner du temps, resserrer le récit ou impliquer le narrataire.

Si un récit peut être en principe réduit à une suite de propositions représentant des états de choses (successifs), il est clair que n’importe quelle suite de propositions ne constitue pas un récit. certaines conditions sont nécessaires pour qu’une suite de propositions puisse être interprétée comme récit, partie de récit, ou trace discontinue de récit. Ces conditions varient selon les cultures, mais peuvent être formulées en termes de cohérence et de différence.
Si deux propositions successives, construites par ‘rétro-projection’ à partir d’une ML, sont discontinues, c’est-à-dire ne sont pas cohérentes, n’ont pas de parties communes, le récepteur doit :
(a) soit décider que ces deux propositions n’ont pas d’autre relation que celle qui est manifestée (succession), et que par conséquent elles ne constituent pas (une partie de) récit ;
(b) soit décider, pour des raisons pragmatiques (situation de communication des propositions en question) ou syntactiques (contexte), que les deux propositions en question appartiennent bien à un même récit, et, éventuellement, dans l’ordre de leur manifestation.

Dans le second cas, la BT Implicite est ‘incomplète’ ; l’usager doit alors construire une ou plusieurs propositions ‘intermédiaires’, en recourant, soit au contexte, soit à sa connaissance du monde. La seule condition est que
(a) s’il s’agit d’une seule proposition, elle doit être cohérente avec les deux propositions ‘entre’ lesquelles elle s’intercale ;
(b) s’il s’agit d’une suite de propositions, la première doit être cohérente avec la première proposition de la base ; la dernière doit être cohérente avec la deuxième proposition de la base ; et la suite construite doit être cohérente ;
(c) les constantes temporelles doivent être affectées sous certaines conditions.

Enfin, comme
(a) le type et le domaine de la cohérence ne sont pas prédéfinis,
(b) dans la réalité, ce ne sont pas deux ‘propositions’ qui sont en cause, mais deux RS partielles, à quoi correspondent des ‘paquets’ de propositions de la SP, il s’ensuit que la construction de propositions ‘intermédiaires’ présente une grande variété.
Soit donc une suite de deux propositions, dont on décide qu’elles font partie, et dans cet ordre, d’un même récit :
P1 ®Paul écrit un article à la machine
P2 ®Jacques reçoit le paquet par la poste
L’inférence la plus spontanée, dans les conditions culturelles actuelles, consiste en la construction des propositions intermédiaires suivantes :

P1a ®[Paul fait un paquet de son article]
P1b ® [Paul confie le paquet à la poste]
P2a ®[la poste remet le paquet à Jacques]
P2a est une ‘version’ de P2 qui met en évidence la cohérence de la suite. La reconstitution d’un récit plausible s’est faite de la façon suivante : les deux propositions P1 et P2 comprennent deux ensembles disjoints de figures :
P1 Û {Paul, machine, article}
P2 Û {Jacques, poste, paquet}
La solution a été de construire des ensembles intermédiaires de figures, présentant des intersections non vides avec les ensembles de départ, et ordonnés : la suite du ‘récit’, ramenée aux configurations et aux ‘mouvements’ des personnages, s’établit comme suit :
                                              1. {Paul, machine, article}
exit {machine}, init {paquet}              1a. {Paul, article, paquet}
exit {article}, init {poste}      1b. {Paul, paquet, poste}
exit {Paul}, init {Jacques}     2a. {paquet, poste, Jacques}
C’est une inférence de cette nature qui rend compte de l’interprétation d’un état comme événement (état final de procès) :
l’arbre est par terre
[l’arbre n’est pas par terre]
[il advient que] l’arbre est par terre

2. L’ordre narratif
J’ai donné jusqu’ici quelques indications concernant la mécanique du récit ; ce paragraphe est consacré à des observations sur la dynamique narrative. Pour passer de l’un à l’autre des plans, il faut recourir à un modèle énonciation-énoncé, précisément au schéma Communication / Constitution de monde / Description exposé dans la description grammaticale.
Dans les pages qui suivent, je maintiendrai la distinction entre récit (la représentation isomorphe des états de choses successifs) et discours narratif (arrangement de formules manifestées linéairement).
Enfin, les sigles suivants peuvent être utilisés pour désigner les différentes sortes de propositions :
– PC proposition de communication,
– PW proposition constitutive de monde (W = world),
– PD proposition descriptive (= contenu, énoncé).
Les propositions descriptives seront réparties en propositions descriptives narratives (PDn), et propositions descriptivesdescriptives’ (au sens naïf, PDd). J’utiliserai ces sigles pour désambiguïser les désignations comprenant ces regrettables (mais intangibles) homonymes.

Tout narrataire compétent établit spontanément une distinction entre narration et description. Que cette distinction soit courante ne signifie pas nécessairement que l’usager soit capable à tout coup de verser une partie de récit de manière décisive dans l’une ou l’autre de ces catégories. Sa compétence consiste à disposer de ces catégories ; la capacité de leur associer des classes de parties de discours s’adapte au contexte et à la situation de communication.

La narration est la représentation d’un changement d’états de choses ; étant donné un monde constitué d’êtres et de relations entre ces êtres, un EdCh est un sous-monde partiel (sous-ensemble des êtres, sous-ensemble des relations) affecté de coordonnées (modales, spatiales et temporelles) de validité. Le changement d’un EdCh se définit comme une redistribution des êtres et des relations ; la narration représente ainsi des modifications
(a) des configurations (sous-ensembles d’êtres),
(b) des relations,
(c) des modalisations,
(d) des coordonnées spatio-temporelles.

Les différents états de la (re)distribution sont nécessairement ordonnés, c’est-à-dire disposés sur un vecteur (universellement interprété comme chronologie). On peut donc proposer les définitions d’essai qui suivent :
– la narration est constituée par la suite des ensembles de propositions descriptives (PDn) qui doivent/peuvent être disposées sur un vecteur orienté, de telle sorte que chacun de ces ensembles de propositions occupe un domaine vectoriel de validité limité (un segment) ;
– la description est constituée par l’ensemble des ensembles de propositions descriptives (PDd) qui ne peuvent pas, ou peuvent ne pas, être disposées sur le vecteur, et qui sont valides indépendamment de l’articulation dudit vecteur en segments.

La validité d’une proposition narrative (PDn) est fonction de sa place par rapport aux autres, tandis que celle d’une proposition descriptive (PDd) est déterminée au plan d’enchâssement du performatif narratif (énonciation = communication + constitution de monde).

Dans son beau livre sur le langage dans les ghettos américains, Labov aboutit par induction à des définitions précises du récit et de ses unités :
Nous définirons le récit comme étant une méthode de récapitulation de l’expérience passée consistant à faire correspondre à une suite d’événements supposés réels une suite identique de propositions verbales [...]. Le récit n’est [...] qu’un moyen parmi d‘autres de récapituler l’expérience passée. Ce qui le caractérise, c’est que les propositions y sont ordonnées temporellement, en sorte que toute inversion modifie l’ordre des événements tel qu’on peut l’interpréter [...] Nous nommerons « récit minimal » toute suite de deux propositions temporellement ordonnée. Labov 1972 : 295-296
La jonction temporelle est donc ce qui définit (a) le récit, qui doit en comporter au moins une, et (b) les unités respectivement narratives (qui changent de sens selon les changements d’ordre) et non narratives (qui ne changent pas de sens, sont libres).

Danto définit les phrases narratives en combinant considération vectorielle et recours au cadre énonciatif :
Leur caractéristique la plus générale est qu’elles réfèrent à au moins deux événements séparés dans le temps, quoiqu’elles décrivent seulement tournent seulement autour de le premier événement auquel elles réfèrent. Danto 1965 : 143

Par exemple, on ne peut dire ‘la guerre de Trente ans commence’, au moment où elle commence.

Le fait qu’il faille situer l’énonciation comme événement logiquement postérieur à l’événement énoncé, met en place un vecteur qui oriente les phrases. Par ailleurs, les actions partielles sont généralement interprétées en fonction d’un projet (vue projective) ou d’une fin (vue rétrospective des historiens, qui intéresse Danto) ; or, projet ou fin sont des notions qui construisent un vecteur sous-jacent à l’ordre des événements et de leurs représentations, et secondairement un déterminisme, respectivement causal et final ; en outre, une suite d’actions est souvent nommée en fonction de son résultat (comme on a vu plusieurs fois que les changements peuvent être réduits à leur état final, ou un état quelconque interprété comme résultat d’un procès). Par exemple, planter des roses est une formule qui synthétise une suite de propositions partielles ; on peut remarquer que dans aucune de ces propositions partielles, le nom rose n’est indispensable à la description correcte, mais simplement phénoménologique, des actions ; en toute rigueur, le nom rose est hors du vecteur de planter des roses.

Ces deux analyses attirent l’attention sur le rapport intime qui lie chronologiquement, causalité et énonciation. Elles tendent à suggérer également (surtout celle de Danto, mais la notion d’évaluation qu’on trouve chez Labov y contribue) que le problème de la relation motif/fonction, devrait être posé dans le cadre théorique de l’énonciation narrative, constitutive du sens des unités descriptives.

J’ai considéré le cas simplifié d’un vecteur unique et continu. En fait, il est courant que des propositions narratives (ou des ensembles de PDn) soient interprétées, dans certaines conditions, comme descriptives ; ainsi la phrase
La guerre faisait rage
En tant que phrase synthétisant une suite d’actions énumérables par un narrataire compétent, c’est une proposition narrative ; mais si son domaine temporel de validité est coextensif à une suite de segments correspondant à des changements, alors cette phrase aura valeur de description (situation spatio-temporelle, toile de fond). Au début du Décaméron, on a une description narrative des progrès de la peste à Florence ; quand on passe au récit de la vie retirée des dix jeunes gens, comme on assume que, quant à la peste, les choses continuent comme il a été narré, cette narration reçoit statut de description. Nous avons déjà rencontré ce type de réduction de la narration à la description (6/4.). A propos des personnages, Olrik définissait ainsi un principe de construction :
le principe général de chaque attribut d’une personne ou d’une chose doit être exprimé en action – sinon ce n’est rien. Olrik 1909 : 137

Est donc interprétée comme descriptive la représentation d’un EdCh qui ne change pas pendant le temps où adviennent des changements d’un autre EdCH.
Par ailleurs, des propositions représentant des états peuvent être interprétées comme narratives (résultats de changements) : la raison est que leur domaine de validité est limité dans une direction, commence ou finit au même point qu’un segment délimitant un EdCh faisant partie d’une suite de changements.
D’après Kintsch-van Dijk (1975 : 105) les propositions interprétées comme descriptives font partie des ‘types de propositions [qui] sont supprimés, résumés ou intégrés pendant la construction d’une macro-structure.’
Dans tous les cas, donc, l’interprétation d’une partie d’énoncé comme narrative ou descriptive est le résultat d’une opération de mise en relation des domaines de validité d’au moins deux ensembles de propositions descriptives : cette relation elle-même se situe au plan du performatif narratif (communication/modalisation) ; on pourrait simplifier en disant que les propositions descriptives ont un domaine de validité dépendant de l’énonciation, et les propositions narratives un domaine indépendant de celle-ci, mais déterminé par le montage desdites propositions.

Une question assez importante est alors de savoir s’il est possible, et/ou opportun d’assigner à un même énonciateur théorique les deux classes de propositions.
C’est la question que traite Kuroda (1975), qui en vient à conclure que
la fonction objective de la phrase peut être séparée de sa fonction communicative. [...] la narration est donc un produit linguistique matérialisé, dont la fonction objective crée une image de la réalité dans la conscience du lecteur. Kuroda 1975 : 285, 287

Cette fonction objective, qui est la représentation sémantique d’un monde, peut être prise en charge par une énonciation (fictive/virtuelle comme dans la littérature savante, effective et circonstanciée, comme dans la performance traditionnelle) ; et cette énonciation se constitue en un acte de communication (cf. acte de langage) qui tend à définir des relations variables entre narrateur et narrataire. Ce que Kuroda, avec d’autres, appelle narration sans narrateur (287) est alors, soit une narration à énonciation neutre, normale pour un état socio-culturel donné, soit une énonciation dé-marquée, suffisamment brouillée pour que ses coordonnées (notamment modales) ne puissent être cernées à l’avance, et doivent être établies à chaque performance (racontage ou lecture).
Il semble d’autant plus opportun de considérer qu’il y a au moins des énonciations partielles différentes, que les coordonnées des propositions narratives et descriptives ne sont pas les mêmes, et que leur modalisation est indépendante.

Une contre-épreuve empirique est l’effet produit : plus les propositions descriptives sont nombreuses par rapport aux narratives, plus s’intensifie le vraisemblable, ou, au contraire le merveilleux, l’utopique, etc. ; plus, aussi, se sature l’interdiscursivité, le recours (réel ou fictif) à des auctoritates et le marquage de ce recours : les romans de Jules Verne abondent en énonciations-relais descriptives, scientifiques, historiques, politiques.
Il est donc utile de démultiplier conditionnellement les énonciations en fonction des modalisations et des domaines de validité des énoncés qu’elles commandent.

2.2. Enonciation et temps
Il semble difficile (et peu intéressant) d’imaginer le vecteur de référence des propositions narratives autrement que selon la modalité temporelle : aussi bien Labov que Danto en font la base de leur réflexion, à juste titre ; il n’est pas utile de proposer une version plus abstraite de ce principe d’ordre.

Dans la composante RS, une situation est définie comme un sous-monde partiel affecté d’une valeur temporelle ; le même sous-monde partiel en deux moments différents constituera deux situations différentes. La temporalité est constituée, soit par l’ensemble des valeurs temporelles (dates, heures, jours, etc.), soit par la mise en ordre de ces valeurs, qui entraîne celle des sous-mondes partiels et suffit à définir le récit. On peut alors énumérer les sous-graphes partiels représentant le récit, soit dans un ordre indifférent, affectés de l’indice de leur place relative ; soit dans un ordre isomorphe à celui des valeurs temporelles relatives. Le premier type est plus adapté à une analyse paradigmatique (types de situations, etc.), le second à une analyse syntagmatique (types de suites, etc.).
Le système de la temporalité comprend :
(a) des points définis, dont le plus remarquable est to (instant d’énonciation) ; on aura ainsi des valeurs comme t-i ou t+m ;
(b) des points non définis, mais situés par rapport à to : t-(x) , t+(y) ;
(c) des points non définis, possiblement distincts : tx , ty ;
(d) des segments/intervalles, définis, non définis mais situés par rapport à to, non définis ;
(e) le segment universel fictif, s’étendant sur tout le domaine de la validité de la première à la dernière proposition narrative ;
(f) le segment/intervalle universel, qui est souvent une simple extension du précédent, et se paraphrase [en n’importe quel moment].

La distinction RS profonde – RS superficielle peut être réinterprétée :
– La RSp énumère toutes les entités et toutes les relations, sous forme de somme ensembliste, en ne mentionnant qu’une seule fois chaque unité (être ou relation, sommet ou arc) ;
– la RSs énumère tous les êtres, mais mentionne les relations servant effectivement d’input aux représentation de la SP, puis de la manifestation ; en particulier, sont mentionnées, autant de fois qu’il le faut et affectées d’indices d’ordre, les relations valides en plusieurs points ou segments ; la RSs est donc une somme arithmétique, et constitue un pas vers la manifestation (ML).

Dans la SP, la temporalité est isomorphe à l’ordre des situations ; mais d’autre part, une fois affectées les valeurs temporelles, ou ordonnées les propositions narratives, il faut à ce niveau définir l’ensemble des propositions non narratives ou descriptives, et, soit les stocker à part, soit les placer en regard de points ou segments de la suite des propositions, qui correspondent à leur emplacement dans la manifestation linéaire.
L’intérêt de postuler une SP est de construire des unités intermédiaires entre représentation sémantique et manifestation linéaire, normalisées de manière à permettre des comparaisons entre divers discours ordonnant variablement la matière sémantique, notamment par rapport à la chronologie. On peut donc donner d’un texte narratif une représentation plus ou moins proche de la RS (propositions ordonnées, stock de propositions descriptives) ou de la SS/ML (propositions affectées d’indices d’ordre narratif, ou dans l’ordre des phrases de ML, et propositions descriptives à leur place dans ML).

La rhétorique classique trouve un écho dans la théorie hjelmslevienne du sens (Hjelmslev 1943 : ch. 15 ; Lausberg 1949 : 40), où la notion de matière désigne l’état d’informalité. L’inventio est un ajustement entre mémoire et adéquation à la situation (aptum) ; la mémoire fournit la copia rerum où l’inventio opère une sélection de figures du monde. L’inventio constitue une paradigmatisation de figures (classes d’équivalence et d’opposition), sous la dépendance d’une axiologie générale, qui affecte aux figures et relations des valeurs opérant comme prédéfinitions narratives (compétence comportementale), ce qui manifeste le fait qu’entre le dicible (représentable, narrable, ‘vraisemblable’) et le licite, existe une collusion qui fait de celui-ci la caution de celui-là, de celui-là le support (l’expression, la formalisation) de celui-ci. Les normes sociales légalisent le récit, qui, en retour, les illustre et les transmet, et contribue à les modifier, en les redistribuant selon sa logique.

L’autonomie du récit, et son pouvoir sur l’axiologie et l’idéologie qui en découle, tient à la dispositio propre à la narrativité, qui organise la combinaison des valeurs figuratives selon une stratégie de l’expression dépendante d’une stratégie démonstrative (désignation + argumentation).
Un autre aspect de la rhétorique du récit est l’intérêt, qui opère comme une sorte de filtre :
l’acte de suivre les développements [d’une histoire] dépend de leur intérêt humain, de leur pouvoir d’engager certains sentiments typiquement humains. Gallie 1964 : 48
Le narrateur a pour but de retenir l’intérêt d’un auditoire, et si possible aussi de présenter des messages sociaux. Beaugrande 1982 : 413
L’intérêt, l’intérêt pour l’histoire, l’intérêt de l’histoire, l’intérêt que ‘rapporte’ l’investissement du récit (ce jeu de mots inévitable désigne la dimension sociale), est/sont en fait l’enjeu d’une interaction de régulation interne que la société met en place en ‘commandant’, et en programmant ses récits.

La temporalité du récit est double ; elle comprend
(a) la temporalité énoncive qui correspond à l’ordre des unités narratives, isomorphe à celui des états de choses dont les changements constituent le récit ;
(b) la temporalité énonciative, la position du narrateur à l’égard du monde décrit, qui est autonome et déterminée par des facteurs extérieurs.
De plus, la ML linguistique met en ordre des unités discrètes, les ‘phrases’, ordonnées selon un compromis entre les deux temporalités.

Le temps énonciatif peut être organisé et interprété comme
(a) un point ou segment temporel unique, où la succession des énoncés dépend seulement des autres facteurs de mise en ordre (comme la chronologie),
(b) une suite discontinue de tels points ou segments.
Le temps énonciatif et son interprétation dépendent de l’organisation du monde décrit ; la ‘description’ au sens courant, ne requiert pas un marquage particulier du temps énonciatif ; en revanche, la description de procès ou d’action, ‘branchée’ sur le temps de ceux-ci, est nécessairement située par rapport à ce temps. Certains discours narratifs présentent une discontinuité matérielle (chants, chapitres, voire verset narratif) qui peut être variablement corrélée au plan du temps énonciatif, et en particulier dramatiser l’énonciation (suspens du feuilleton, par exemple).
Une temporalité énonciative discontinue, ou une démultiplication des instances théoriques d’énonciation, déclenchent une interprétation qui postule un hypernarrateur, dont le temps énonciatif enchâsse les temps énonciatifs partiels :

[en thyp hypernarrateur narre que
[en t1 narrateur 1 narre que [...]] et
[en t2 narrateur 2 narre que [...]] et...
[en tx narrateur x narre que [...]] ]
pour thyp inclut {t1, t2,...tx}
Ce cas est marqué et figuré dans le Décaméron, mais aussi dans des corpora traditionnels comme le Talmud.
Les stratégies énonciatives sont variées, mais probablement classables en un petit nombre de catégories combinables, dont, par exemple, celles-ci :
(a) L’ordre de l’énoncé est entièrement commandé par l’ordre des constantes temporelles ; les parties ‘descriptives’ sont éliminées, ou insérées d’une manière, soit aléatoire, soit au contraire fortement codée. Les récits traditionnels présentent souvent cette forme d’énonciation, de type biographique et généalogique.
(b) L’ordre de l’énoncé n’est pas conforme à celui des constantes temporelles : il y a des anticipations, des rétrospectives, une insertion souvent marquée des parties ‘descriptives’. La majorité des récits modernes présente cette stratégie.
(c) Les instances d’énonciation sont démultipliées, de sorte qu’une ‘même’ histoire peut être narrée par plusieurs ‘voix’ et même, pour certaines de ses parties, plusieurs fois. C’est le cas des romans policiers de mystère, et par exemple de L’Expédition de Per Olof Sundman.
(d) Le rapport entre narration d’action et ‘description’, la proportion et la disposition, et par conséquent la position que se donne l’énonciateur (narrateur direct, ‘détaché’, anonyme, etc.) caractérisent de manière fine chaque discours narratif.
Sur ces questions, v. la typologie et la nomenclature de Genette 1972.

Si une stratégie est la logique des choix à l’intérieur des différentes composantes d’un système, en vue de contrôler le fonctionnement de ce système, alors on peut définir le style comme une stratégie.

A propos de poésie, et en se référant à une théorie transformationnelle encore à ses débuts, Levin proposait de considérer l’analyse stylistique comme la comparaison ‘de quelque chose dans le poème avec quelque chose que le poète aurait pu écrire, mais n’a pas écrit’ (1962 : 37, n.7). Cette formulation contient la proposition opératoire de tenir compte, dans l’analyse stylistique des énoncés, de leur ‘histoire transformationnelle’. Même si cette formule a ici une portée différente, son contenu (intensionnel !) reste valable.

Très schématiquement, le processus d’interprétation-simulation de la génération (1./1.3.) peut se résumer ainsi :
1. Soit un énoncé (mettons une ‘phrase’) S0.
2. A partir de S0, je (le locuteur compétent) construis une BT implicite G0 (comme graphe), qui est la RS superficielle correspondant à S0 (son input sémantique).
3. A partir de G0, je peux construire une RS profonde, normalisée, cohérente, saturée, qui peut être connectée dans ma mémoire avec d’autres RS. Le résultat est une BT explicite g0.
4. A g0 sont associées un nombre indéfini de RS partielles, et donc de SP P1, P2, ... Px.
5. Enfin, ces différentes SP sont chacune représentables par plusieurs structures de ML, énoncés, ‘phrases’, dont, entre autres, celle(s) dont je suis parti pour procéder à cette interprétation.


Schéma 14

La notion d’histoire transformationnelle’, ou celle, pour démarquer Levin, de relation ‘de quelque chose dans l’énoncé avec quelque chose que l’énonciateur aurait pu dire, mais n’a pas dit’, sont donc fondées sur la simulation de la génération en quoi consiste l’interprétation. Les caractéristiques formelles, et notamment les régularités dans la suite des projections de RS partielles, constituent à proprement parler le style, dans toute énonciation. Le style narratif est la méthode selon laquelle le narrateur projette la RS du récit en la ML du discours narratif.
La définition du style comme stratégie de projection rend compte de l’effet d’ ‘écart’ produit par les procédés de stylisation, mais réintègre la notion de norme dans les limites de l’univers textuel et de l’univers de communication en vigueur. La norme de référence est ici la règle du jeu du texte, qui est, à son tour, objet de convention, de commensuration, voire de sanction dans le domaine communicatif.

Un exemple de stylisation, et du traitement de celle-ci dans la perspective développée ici, est la relation entre ordres du récit et du discours narratif.  Si la suite des SP du récit, ordonnées selon leurs constantes temporelles, sont projetées en une ML identiquement ordonnée, la distance de chaque proposition à la place où ‘doit’ être sa représentation est d = 0. Si la suite des énoncés présente des modifications d’ordre, cette distance, mesurable, est un élément de stylisation, tout comme d’autres facteurs, lexique des figures, placement des propositions ‘descriptives’, etc.








Chapitre VIII
Les modèles séquentiels


La multiplicité empirique des récits, l’impossibilité théorique de ‘prévoir’ le déroulement d’un récit, et d’autre part la stéréotypie qui dans chaque culture restreint, regroupe et spécialise les formes ‘possibles’ (permises) de récit, justifient les tentatives de définir des principes généraux du ‘montage’ des unités du récit. Cela revient partiellement à tenter de repérer, reconnaître, cataloguer, et éventuellement définir des unités intermédiaires entre motif et récit.
Comme le mot et la phrase, le motif est une unité élastique. Il a d’abord une signification phénoménologique, la représentation d’un EdCh, qui peut être d’une portée très variable. Son sens narratif, sa ‘fonction’, est associé arbitrairement à son contenu figuratif : chaque culture associe des valeurs aux (images de) comportements, et réciproquement, des illustrations aux valeurs en vigueur. Le récit est interprétable à la fois comme représentation de comportements modalisés, et comme expression figurée de valeurs catégorisées.
Il est nécessaire de définir, dans un motif, conjointement
(a) son contenu figuratif,
(b) sa place par rapport à d’autres dans une suite normée,
(c) le principe de son intégration en relation avec un projet ou un résultat modalisé,
ce qui conduit directement à la recherche de modèles séquentiels.
Une séquence est une suite normée de motifs, et se définit par
(a) un cadre comportant un nombre défini ou non de places, qui constitue sa dimension syntagmatique,
(b) des classes de motifs pouvant occuper ces places, qui constituent sa dimension paradigmatique.
Les premiers modèles séquentiels ont été élaborés à partir de récits traditionnels, contes (Propp), mythes (Lévi-Strauss) : la stéréotypie figurative et modale y est en effet plus accusée, et l’existence de variantes a contribué aux superpositions à finalité taxinomique.

1. Modèles empiriques
La procédure empirique inductive est illustrée par Propp (1929 : 35-80), qui a décrit le conte merveilleux russe comme une succession d’une trentaine de ‘fonctions’ qui sont des combinaisons [motif + place]. Le principe d’organisation est distributionnel et ‘sériel’, et pose :
– un modèle syntagmatique < A B C D E >
– des réalisations défectives < A B D >, < A C D E >, etc.
– des réalisations sursaturées < A B C C C D E >, etc.
mais pas de changements d’ordre ; une séquence
< A C B D E > sera interprétée comme  < A Æ C > + < Æ B Æ D E >
La suite des ‘fonctions’ se décompose en plusieurs phases : préparation, qualification du héros, action principale, glorification. Certaines fonctions sont des transitions (les déplacements) et déterminent la segmentation et la hiérarchisation des parties. Ce modèle est syntagmatique, distributionnel et n’admet que des effacements et des n-plications. Son seul principe de diversification est la sous-catégorisation figurative.

Labov-Waletzky (1967) ont mis au jour un schéma sous-jacent à des récits d’expérience personnelle suscités par une question, dans un milieu socio-culturel homogène. Les narrateurs ont suivi une procédure globalement constante : plusieurs centaines de récits peuvent être commensurés selon un schéma commun, qu’aucun peut-être n’exécute de manière conforme (Labov 1972 : 298) :
0. Résumé                                                           3. Evaluation
1. Orientation/indications                             4. Résolution/résultat
2. Complication/développement                 5. Coda/chute
Ce schéma tient compte de l’énonciation : l’ ‘évaluation’ est une narration modalisée, où le récit strict est relayé par « les procédés qu’emploie le narrateur pour indiquer le propos de son histoire, sa raison d’être » (Labov 1972 : 303). Cette sorte de morale, souvent redoublée par la coda, couvre le moment le plus ‘spectaculaire’ du récit : on ne raconte pas ‘pour le plaisir’, et le narrateur doit, au moment crucial de son récit, en affirmer l’intérêt.
C’est encore un modèle syntagmatique, mais à prédominance fonctionnelle : a) l’ordre de référence admet des modifications interprétables, et b) la séquence de référence met en évidence des fonctions (énonciatives) de description, narration, commentaire modal, affectées aux unités du récit. Ce modèle prévoit les effacements, les déplacements, les expansions, la modalisation et l’interaction communicatives.

Ce sont des élaborations du modèle de Propp par homologation et hiérarchisation.

Greimas (1966 : 197) reformule et regroupe les fonctions de Propp, appliquant ce schéma aux mythes analysés par Lévi-Strauss. Il propose une articulation en deux dimensions :

(a) La séquence comprend trois fonctions :
1. Contrat = Mandement + Acceptation
2. Lutte = Affrontement + Victoire
3. Conséquence
(b) Le conte/mythe comprend trois séquences :
1. Epreuve qualifiante
2. Epreuve principale (réparatrice)
3. Epreuve glorifiante
Il suffit d’ajouter avant la séquence 1. la description de l’état initial dysphorique (manque, méfait), et après la séquence 3. la description de l’état final euphorique, pour avoir un modèle centré sur le héros. Le schéma est fonctionnel dans la définition de la séquence, et distributionnel dans celle du récit. Mais l’organisation syntaxique est ensuite soumise à une catégorisation sémantico-logique qui fait que le modèle de Greimas relève aussi des modèles axiomatiques.

La logique du récit de Brémond (1973) repose elle aussi sur un remodelage du schéma de Propp. L’unité intermédiaire est une triade à structure d’alternative :


Schéma 15

Les triades sont arrangées en succession, par enclavement, alternance ou simultanéité. La dynamique du récit repose sur la modalisation axiologique des états et des actions, qui permet de définir des processus comme dégradation ou amélioration, actualisées ou non, achevées ou non, définitives ou non. Ce modèle se prête à une description non centrée sur le héros, et permet une schématisation modale du récit polémique, selon les lignes du héros et de son adversaire, ce qui est aide, ou amélioration pour l’un étant obstacle, ou dégradation pour l’autre.

Le modèle de Brémond est proche de celui de Greimas ; la triade avant-pendant-après est greffée sur un système modal axiologique à deux valeurs. La possibilité de relativiser l’action est limitée à la relation polémique. Le modèle ne prévoit que la réitération (enchaînement, enchâssement, parallèle) des triades, mais ni effacement ni déplacements.

Le modèle séquentiel de Larivaille (1974, 1982) est partiellement empirique (étude de neuf versions superposées de Chat botté), et partiellement déduit (redéfinition du schéma de Propp).
Les 24 fonctions principales de Propp (après exclusion de la partie préparatoire) sont redistribuées dans un schéma normalisé qui comprend comme unité de base une séquence quinaire :
1. Etat initial
2. Perturbation
3. Transformation, ou (ré)Action
4. Résolution, ou Sanction provisoire
5. Etat final (généralisation de la portée de 4.)
L’Etat initial est un ensemble de relations entre des entités figuratives, une situation, stable, normale ou anormale (état permanent de manque par exemple) : c’est un EdCh qui pourrait durer.
La Perturbation consiste en la modification d’une ou plusieurs relations définies dans l’Etat initial, de telle sorte que désormais la situation n’est plus ‘tenable’, l’EdCh devient instable, parce que contradictoire ; la Perturbation consiste souvent en l’introduction (ou l’activation) d’une figure actorielle jusque-là latente, dont la manifestation constitue une crise. La Perturbation est essentiellement occasionnelle, et même souvent contingente.
La Transformation est une (ré)action contrôlée par une figure actorielle (le ‘héros’, du moins celui du moment), qui vise à réduire la contradiction de la Perturbation : (a) soit en annulant les relations nouvelles instaurées dans la Perturbation (p. ex. chasser le prétendant indû de la Princesse) ; (b) soit en annulant certaines relations de l’Etat initial (p. ex. doter la pauvre bergère aimée par le chevalier pour permettre un mariage). La Transformation, comme la Perturbation, se caractérise toujours par la coprésence d’au moins une relation ‘normale’ et d’au moins une relation ‘anormale’ ; le ‘héros’ de la Transformation est toujours un héros de sa propre norme.
La Résolution est le ‘contenu’ et le ‘résultat’ de la Transformation, un résultat local de l’action, qui porte sur le sous-ensemble de relations touché par la Perturbation (p. ex. le prétendant est exclu, ou la bergère est désormais riche).

L’Etat final est le nouvel ensemble de relations stables résultant de l’extension de la Résolution. Ce peut être une ‘reproduction’ de l’Etat initial (mais alors, après le récit, non affirmé, mais réaffirmé, emphatisé), ou sa ‘négation’ (quant à certaines relations jugées cruciales).

Cette séquence est généralisable et applicable à tout récit ; elle a été nommée Séquence Narrative Type. Le conte merveilleux analysé par Larivaille, par exemple, consiste en une suite normalisée de cinq de ces séquences :
A. Proposition (d’une tâche) = entrée du héros
B. Qualification = acquisition des moyens d’action
C. Affirmation = mise en œuvre des moyens, action
D. Confirmation = risque secondaire et secours
E. Glorification = reconnaissance et récompense
Dans d’autres récits, l’Etat initial et/ou l’Etat final ne sont pas représentés, on ‘entre’ dans le récit par la Perturbation, et les états extrêmes sont alors déduits, reconstitués à partir des données des trois fonctions centrales.
Enfin, des enchaînements de séquences se font de manière très variée, bout-à-bout (actions successives d’une même figure actorielle), ou par changement de ligne d’action (une ligne d’action est une séquence type assignée à une figure actorielle) ; l’enchaînement se fait par la commutation de la Résolution en Perturbation (pour la même figure actorielle ou pour une autre), ce qui peut se formuler 4 = 2’. Le récit s’enchaîne de Résolution (provisoire) en (nouvelle) Perturbation, et n’a, par définition, qu’un Etat initial et un Etat final.
Elaboré à partir du conte, ce modèle a ensuite été testé sur des récits non folkloriques (Larivaille-Genot 1979, Genot-Larivaille 1984, 1985). Combiné avec la typologie des motifs décrite au chapitre précédent, il s’est révélé un instrument taxinomique très souple.
La schématisation se fait selon des lignes d’action (une par personnage) qui permettent de suivre les interactions. Voici (p. 166) un exemple (Genot-Larivaille 1985 : 18 ; les chiffres renvoient aux parties de la Séquence Narrative Type).
Par analogie avec le conte, qui synthétise la suite des Séquences Narratives Types en un récit de même forme quinaire, Larivaille a étudié la possibilité de donner de tout récit une représentation sous forme d’un schéma global de structure quinaire, dans lequel les interactions partielles jouent un rôle fonctionnel : telle Séquence Narrative Type (ou telle suite de SNT) y joue le rôle de 2. Perturbation ou de 4.Résolution.
En outre, la modalisation des motifs, des séquences, des regroupements de séquences dans le schéma global, conduit à la formulation d’un schéma axiologique où le récit est ‘traduit’ en termes de norme

1. posée généralement
2. mise en question localement
3. mise en acte (positivement ou négativement)
4. réaffirmée ou reformulée localement
5. posée généralement (de manière conforme ou non à 1.)
Ce modèle évolue vers la recherche d’une description de la relation entre motif (unité figurative modalisable mais autonome) et fonction (unité économique du récit).


Il était une fois un médecin, nommé Jourdain, qui avait un disciple plein de fausseté. Le fils d’un roi tomba malade. Le maître y alla, et vit qu’il pouvait être guéri. Le disciple, pour voler au maître sa réputation, dit au père : « Moi, je vois qu’il mourra à coup sûr. ». Et, disputant avec le maître, il fit ouvrir la bouche au malade et, du bout du doigt, faisant montre de grand savoir, il lui déposa du poison sur la langue. L’homme mourut. Le maître s’en alla et perdit sa ré Putation, dont le disciple s’enrichit. Alors le maître jura de ne plus soigner que des ânes, et appliqua sa physique au bétail et aux vils animaux.      Novellino, xi



Schéma 16

3. Modèles axiomatiques
Ces modèles sont dérivés de modèles linguistiques ou logiques.

Le modèle fonctionnel (séquence) et distributionnel (récit) de Greimas est élaboré dans la direction sémantico-logique, par une réduction drastique qui neutralise la dimension ‘chronologique’. Le récit est réduit à une proportion :
avant/après//contenu inversé/contenu posé
qui relève du déterminisme final, et permet d’analyser le récit en termes de programme et les acteurs en termes de compétence relative à ce programme.
La description du contenu est faite dans une sémantique componentielle sommaire, relayée par une catégorisation modale dynamisée par les relations de conjonction et disjonction. Un nombre restreint d’actants (inspirés de Tesnière), un système modal limité, une définition finale du contenu en termes d’oppositions binaires, font que ce modèle se prête bien à la description de textes fortement stéréotypés et porteurs d’une charge idéologique explicite (applications au récit évangélique). Mais l’analyse proprement narrative, succession, enchaînement, image de déterminisme que donne le récit, est bloquée, et il s’agit en fin de compte de la réduction du récit à une seule unité synthétique, celle qui est formulée, par exemple, dans la ‘moralité’ des fables.

Doležel (1972, 1976) commence par poser trois niveaux d’unités de base :
                                motifème    [forme propositionnelle avec rôles]
spécification                            
                                MOTIF        [proposition avec constantes figuratives]
verbalisation                            
                                texture        [énoncé(s)]

Il définit ensuite des classes de motifs (état, action), des rôles ou actants, puis établit que les motifs d’un récit sont modalisés et que les modalités qui les couvrent sont relativisées, c’est-à-dire entrent dans l’économie des interactions, et peuvent jouer au plan de l’énonciation (positions du narrateur et du narrataire) et au plan de l’énoncé (motivation et portée de l’action).
Il n’existe donc pas de motifs narratifs a priori, mais la possibilité de décomposer une histoire complexe en un ensemble d’histoires constituantes, en se fondant sur les modalités ; on aboutit ainsi à une hiérarchie de récits atomiques (A-récits) combinés en récits moléculaires (M-récits) :
Un A-récit sera défini comme une séquence [string] de motifs, caractérisée par la propriété d’homogénéité modale. Homogénéité modale signifie que toutes les formules modales apparaissant dans la chaîne doivent être formées au moyen d’opérateurs appartenant à un et un seul système modal. [...] Si dans une séquence de motifs apparaissent des formules modales avec des opérateurs de deux ou plus de deux systèmes modaux différents, la séquence sera interprétée comme une histoire complexe [compound], ou moléculaire c’est-à-dire manifestant deux ou plus de deux A-récits.
Doležel 1976 : 144

Ce modèle permet une description très fine des parties et des plans du discours narratif, de la cohérence (énonciative, énoncive, modale), et des hiérarchies internes de la sémantique narrative. La distinction préliminaire des degrés de généralité (motifème, motif, texture) encadre efficacement les opérations d’homologation et de généralisation (récits stéréotypés, corpora de nombreux récits), aussi bien que la description de la manifestation linguistique particulière. A cet égard, le modèle de Doležel est celui qui permet sans aucun doute le mieux à ce jour de traiter les récits individuels de tradition savante (‘littéraires’), ainsi que la composante narrative de discours non canoniquement catégorisés comme récits (poèmes, énoncés publicitaires).
Le modèle ne contraint pas le contenu des motifs, ni leur forme. Ces données se prêtent à des catégorisations paradigmatiques qui, associées aux catégories modales, donnent aux motifs leur dimension fonctionnelle, et peuvent se développer en une typologie des spécialisations figuration-modalisation propres à un univers de récits.


Prince part de la constatation que ‘l’ordre des événements dans le temps est l’une des caractéristiques fondamentales de toute histoire’ (1973 : 23).
Une histoire minimale consiste en trois événements conjoints. Le premier et le troisième sont statiques, le second est actif. De plus, le troisième événement est l’inverse du premier. Enfin, les trois événements sont conjoints par trois traits conjonctifs, de sorte que a le premier événement précède le second dans le temps, et b le second événement cause le troisième. Prince 1973 : 31

MSt ® InE stat + CFt + E act + CFt + CFc + InE stat -1
[histoire minimale se réécrit : événement initial statique, trait conjonctif temporel, événement actif, trait conjonctif temporel, trait conjonctif causal, inverse de l’événement initial statique]

Prince définit ensuite le récit noyau simple, qui comporte au moins trois événements, dont trois seulement sont narratifs, les autres étant non narratifs (par exemple : descriptifs). Le récit simple se distingue du précédent en ce que l’ordre chronologique peut ne pas être suivi, et que des événements peuvent être effacés. Enfin, un récit complexe est composé de plusieurs récits constituants.
La ‘grammaire narrative’ de Prince est la seule qui ne repose pas sur un abus de termes : la démarche axiomatique, l’explicitation des règles de complexification, et enfin le rendement assez satisfaisant des réécritures de récits connus (Le petit chaperon rouge) font de cette grammaire un exemple de rigueur dans le développement. La réduction de tous les événements au statut d’atome met en évidence les traits conjonctifs. Mais la notion de récit constituant est uniquement fondée sur la cohérence figurative et la continuité temporelle ; aucun traitement des modalités, ni par conséquent des motivations, n’est prévu : c’est un modèle adapté à la phénoménologie chronologique du récit. Cependant, les jugements axiomatiques de narrativité devraient être relayés par une analyse interne des événements et de leur représentation.


4. L’extraction du récit
Il s’agira ici de ce que Brémond (1973 : 323) appelle ‘récit proprement dit’ par opposition au ‘texte narratif’ : celui-là ne comprend que les données narratives, tandis que celui-ci comporte des ‘enclaves non narratives’ qui sont éliminées de l’analyse proprement narrative. La distinction entre propositions narratives et propositions descriptives (au sens courant), et par conséquent la considération des modalités temporelles, sont fondamentales à cette fin.
Dans tous les cas, ‘une ‘métastructure’ du récit est à chercher derrière le récit’ (Brémond 1976 : 30), qui lui donne sa portée ; mais centrer l’analyse en premier lieu sur le récit constitue une ‘mise en perspective, par ordre d’importance, des significations investies par le conteur dans son récit.’ (Brémond 1976 : 31). C’est un moment stratégique, dont la portée est clairement formulée par Brémond :
Justement parce qu’il [le récit] est le plus contraignant et le plus aisément déchiffrable, son analyse nous paraît être le préalable requis à la mise en place d’une interrogation méthodique des significations livrées par les autres codes et à la synthèse du sens singulier ou pluriel du texte. Infrastructure du message narratif, il ne contient pas, mais il porte les significations plus labiles qui motivent l’exégèse. Brémond 1973 : 323
Scheglov-Zholkovskij (1971 : 6) font observer que les résultats de l’analyse sont des objets de connaissance et non d’usage, qu’ils ne sont pas destinés au ‘consommateur’ du texte, et que les critiquer sur cette base reviendrait à déplorer que le plan de l’architecte fût inhabitable.
D’autres raisons justifient la priorité donnée à l’analyse ‘syntaxique’ du récit. La visée sémiotique pose que les objets concrets de la réalité sont transposés en figures du monde, et que les signes qui y renvoient sont des représentations de ces figures dans une substance d’expression. Dans le discours-texte, ces figures de figures (éléments d’un système sémiotique secondaire, selon Lotman) sont des objets théoriques qui fournissent les constantes de formules postulées schématisant l’interprétation sémantique du texte. (En ce sens, si, comme j’ai déjà eu l’occasion de le relever, toute théorie est une fiction, il est aussi vrai que toute fiction a une dimension théorique : de là vient que le récit est le support didactique privilégié de toute culture.)
De ce point de vue, les représentations de figures du monde sont, non le corrélat mental des objets de la réalité (un signifié corrélé aux objets référents), mais des entités complexes entreposées dans la mémoire de l’usager avec le statut de constantes d’un nombre indéfini de formules où elles occupent des postes de variables définissables. Ces contextes sont appelés (activés, mobilisés), soit immédiatement, soit à travers la médiation d’autres termes associés (paradigmatiquement ou syntagmatiquement), dans le discours actuel ou dans la mémoire.

Cela revient à dire que les significations possibles d’un terme ou d’une configuration sont la somme des sens (valeurs contextuelles) de cette unité, dans une culture donnée considérée comme une somme de ‘discours’ (pratiques sociales spécifiquement ou secondairement communicatives-significatives).
Les significations potentielles d’un terme constituent un ensemble flou de traits, dont le discours actuel, en tant que communication réelle ou fictive, ne retient et ne fixe en principe qu’un sous-ensemble compatible avec l’économie d’un système singulier de restrictions et de solidarités.
Aborder un texte ‘par’ la thématique (configurations de figures et leur relation à une réalité extérieure) revient nécessairement à partir (et souvent à s’en tenir à) des inventaires de figures et de significations préconstitués selon des taxinomies de référence, externes et que rien dans l’opération ne permet de relativiser. Ce faisant, on s’en tient aux ‘résultats’ d’une mémorisation acquise, à contre-courant de l’organisation textuelle, dont la finalité est de redistribuer ces taxinomies, de les mettre en question pour les modifier ou les confirmer. On court alors le risque de ne traiter ce qui figure dans le texte que comme répétition de ce qui a déjà été inventorié précédemment par la culture et mémorisé par le sujet, réduisant le texte à sa dimension de répétition, mais coupée de sa fonction, qui est d’assurer la reconnaissance sur le fond de laquelle adviendra la redistribution du sens.
Les discours fondamentaux d’une culture (mythes, corpora de proverbes, épopées, contes, légendes, récits tardifs) communiquent, au long de la tradition, plutôt des schémas que des figurations, des articulations de catégories plutôt que des inventaires ; ils le font certes au moyen de figurations et d’inventaires : les instructions pour l’usage du monde sont transmises au moyen d’exemples de cet usage.
En outre, qu’il s’agisse de règles grammaticales, de modèles narratifs réglant la classification des informations reçues, de procédés de mémorisation comme la métrique, de procédés de valorisation énonciative (rhétorique de l’elocutio), les schèmes formels sont moins nombreux, plus généraux et plus stables que les investissements sémantiques, les paquets de constantes figuratives qui, dans le cours de l’histoire, viennent les concrétiser en occupant leurs postes de variables. Les disponibilités combinatoires affectées aux thèmes-figures du monde, réglées par des schémas prégnants, peu nombreux, généraux et stables, sont, elles, flottantes et labiles, constamment révisables selon les multiples corrélations qui constituent la vie sociale. Bien plus : la mise à jour, l’actualisation, par une culture, de ses valeurs et de ses prescriptions, est généralement opérée dans des discours dont les schèmes formels éprouvés véhiculent dialectiquement la confirmation et la péremption, la permanence et l’innovation.
Analyser en priorité le récit (la schématisation narrative du texte), c’est se fonder sur la banalité qui est à la fois la garantie de la communicabilité, et le cadre de la (re)distribution sémantique.


4.2. Résumé et thème
Le ‘résumé’ est une réduction d’un type particulier ; ce n’est pas une opération strictement ‘grammaticale’, encore qu’il soit possible de donner du processus et de son résultat une description grammaticale. C’est une macro-structure du texte :

Une macro-structure résulte du texte mais non de façon déductive. C’est-à-dire qu’une macro-structure est également une interprétation inductive d’un texte.
Kintsch-van Dijk 1975 : 102.
Si le résumé consiste à omettre ‘tous les éléments qui n’ont aucune importance du point de vue de l’analyse’ (Petöfi), ce ne peut être qu’une opération pragmatique,
parce que, pour déterminer ce qui est important et ce qui ne l’est pas, nous devons déjà pouvoir disposer d’une interprétation extensionnelle implicite du texte donné et en plus d’un explicitation et/ou évaluation de celle-ci.
Petöfi 1975 : 117

Les recherches expérimentales de Kintsch-van Dijk (1975) et van Dijk (1975) sur la façon dont ‘on se rappelle et on résume les histoires’ ont permis d’énumérer des ‘major summarizing rules’ qui constituent un secteur de la compétence narrative.
Opération pragmatique, le résumé est affaire de consensus plus que de règlements : les conflits à propos de résumés sont des conflits d’interprétation, c’est-à-dire, au bout du compte, d’intérêt(s), puisque aussi bien on élimine ‘ce qui n’a pas d’intérêt’.

P. suiv. ‘Règles’, ou constantes empiriquement constatables (van Dijk 1975 : 564-5).

‘Règles’ du résumé
1. Les noms sont généralisés et remplacés par des descriptions indéfinies ou des variables. Ex. ‘un homme’, ‘dans un village’.
2. Les descriptions de localisation sont effacées ou intégrées. .
3. Les propositions d’identification développées sont réduites au statut d’arguments (syntagmes nominaux des phrases du résumé). Ex. ‘un homme qui s’était enrichi dans le commerce des peaux vivait à Londres’ ® ‘un riche Londonien’.
4. Les propositions de résumé de texte sont effacées, ainsi que toute information redondante.
5. Toutes les actions préparatoires qui ne sont pas présupposées par d’autres propositions du récit sont effacées.


6. Les propositions dénotant des états émotionnels sont effacées.
7. Les propositions dénotant des programmes mentaux (intentions, buts) sont effacées si elles sont identiques à la description des actions envisagées (on ne mentionne pas une intention suivie d’effet).
8. Toutes les propositions de paraphrase sont effacées (v. règle 4).
9. Les qualifications et comparaisons d’actions sont effacées si elles sont impliquées par les descriptions d’actions.
10. Les propositions dénotant des cours d’action possiblement alternatifs sont effacées.
11. Les propositions dénotant des conséquences d’actions conventionnellement admises sont effacées.
12. Les actions partielles qui ne sont pas présupposées par d’autres actions sont intégrées dans une description globale de l’action de la séquence (v. règle 5).
13. Les actions non réductibles qui ne sont pas présupposées par des actions successives sont effacées.
14. Les indications de temps sont effacées et remplacées par des variables. Ex. ‘d’abord’, ‘plus tard’, ‘pendant ce temps’.
15. Les descriptions d’atmosphère et les descriptions météorologiques sont effacées, sauf si elles dénotent des événements causant des actions cardinales [major actions].
16. Les descriptions de cours d’événements ou actions ‘normaux’ sont effacées.
17. Les descriptions de la manière dont les actions sont exécutées sont effacées.
18. Les descriptions d’états corporels sont effacées ou intégrées dans un modificateur (adverbe, adjectif).
19. La description directe ou indirecte des dialogues est effacée.

On peut simuler et systématiser l’analyse comme démultiplication et explicitation des opérations intuitives et automatisées du récepteur ordinaire. (Agricola 1976).



Schéma 17

1. La notation [Thème] indique que
(a) l’argument du texte ne figure pas nécessairement dans le texte (je ne traite pas du problème du titre),
(b) cet argument peut être partiellement non conscient,
(c) il n’est pas nécessairement unique.
2. ‘Composition’ désigne globalement l’élaboration du thème à des fins communicatives.
La structure compositionnelle hiérarchisée du texte est fondée extralinguistiquement, dépend de l’intention et de la stratégie discursive du locuteur, du type de discours choisi, de son genre et de son thème ; elle se reflète dans la macrostructure de l’orrdre linéaire et dans les valeurs taxémiques des unités. Agricola 1976 : 210
La composition correspond à la notion de ‘expression devices’, comprend des procédés comme la concrétisation, le contraste, l’intensification, la combinaison (Scheglov-Zholkovskij 1971 : 10, 32-3).

3. Le TEXTE, objet concret, output des opérations d’émission, est l’input des opérations d’interprétation. Comme objet théorique, il consiste en deux composantes associées, le thème et la structure compositionnelle.
un texte se compose d’un nombre fini et ordonné de textèmes sémantiquement intégrés, i.e. de phrases ou d’unités ayant valeur de phrases, qui représentent, en vertu de leur nature sémiologique, des états de choses complexes. [...] la cohérence et l’accumulation du sens sont produites par l’intégration des significations des textèmes isolés dans des complexes à l’aide d’opérations quasi-logiques affectant les propositions des textèmes – les opérateurs apparaissant en partie sous la forme explicite de connecteurs – et par la réunion de constituants sémantiques communs ou semblables en une configuration hyperonymique au sens large du terme, ainsi que par l’immémorialité implicite du texte, c’est-à-dire le fait que des segments textuels déjà exprimés ou perçus sont mémorisés. Agricola 1976 : 209-10
4. L’interprétation doit être théoriquement décrite de manière à rendre compte de la compétence du récepteur : toute théorie en ce domaine doit être empiriquement motivée. Or, puisque c’est ainsi que fonctionne l’interprétation ordinaire des discours,
il doit être possible de repérer jusque dans la structure superficielle la trace des éléments et relations constitutifs de la structure fondamentale, et par là l’idée principale du thème. Agricola 1976 : 212
5. L’analyse consiste d’abord en une simulation du processus interprétatif, qui se fonde d’abord sur le fait que
le texte [...] est avant tout un énoncé portant sur un choix d’actants précis et réitérés relativement fréquemment, actants « dont il est question » et qui constituent la motivation de la production de l’énoncé. Au cours de la production textuelle ils entrent dans des relations dénotatives très variées avec d’autres actants, mais particulièrement fréquemment entre eux. Agricola 1976 : 212-3
Ces ‘actants textuels’ peuvent être définis comme :
(a) figures thématiques (= images du monde),
(b) figures sémémiques (= configurations sémiques),
(c) figures actorielles (= constantes des variables motifémiques).
Ils sont engagés dans la progression narrative, qui est une suite de structures sémantiques élémentaires. La schématisation impose une normalisation (Agricola 1976 : 214 ; Hendricks 1973). La schématisation conserve et représente une donnée de la composition-cohérence-progression qui se manifeste comme découpage, où l’on peut distinguer des coupes faibles et fortes : ‘Les coupes faibles se situent aux jointures en deçà desquelles les prédicats des prédications successives, étant donné que le genre, le nombre et la suite des actants restent stables, peuvent être réunis dans une expression globale hyperonymique. Les coupes fortes se situent là où se modifient le nombre et la suite des actants, ce qui correspond toujours à une limite d’hyperonymie des prédicats.’ (Agricola 1976 : 216 ; c’est moi qui souligne : cette distinction correspond aux notions de sous-graphes partiels connexe et non connexe).
6. Le SCHEMA se présente sous forme de formules algébriques ou de tableaux (v. Genot-Larivaille 1985).
7. La réduction est entièrement définie par son résultat.
8. Ce résultat est le noyau informatif, aspect communicationnel stratégique du thème :
On peut considérer que le noyau informatif est, pour le locuteur, le point de départ de l’élaboration du texte et, pour l’allocuté, son résultat ; c’est l’ensemble d’information minimal qui leur est commun. Agricola 1976 : 220

Outre son aspect communicationnel, ce noyau résulte de l’élimination
du dernier trait de la progression linéaire et dynamique du texte ; [...] Ce noyau informatif est la forme statique, concentrée et abstraite que prend le contenu du texte, une configuration qui permet une approche de la structure d’état de choses sous-jacente au texte. Agricola 1976 : 219
Cette notion correspond en gros à celle de contenu cognitif de la RS.
9. La reverbalisation est une opération facultative répondant à certaines fins communicatives particulières (résumé, intitulation, indexation). Elle consiste à donner une représentation verbale réduite et normalisée des unités d’un texte, d’une manière qui guide une interprétation schématique de celui-ci.


4.3. La procédure de Hendricks
Hendricks (1973 : 175-195) a mis au point une procédure d’analyse claire et explicite, qui consiste en deux étapes : normalisation et résumé.
Un texte narratif donné doit être soumis à une normalisation complète avant qu’une analyse de la structure narrative proprement dite puisse être opérée. Parmi les opérations de normalisation nécessaires figurent celles-ci : le matériel narratif proprement dit doit être extrait du matériel descriptif et expositif. Le dialogue citation directe doit être interprété et reformulé comme action, c’est-à-dire qu’on doit déterminer quelle action est réalisée par le discours d’un personnage. Le récit minutieusement détaillé d’un événement ou d’un épisode doit être condensé, tandis que le récit sommaire d’autres épisodes peut éventuellement devoir être développé afin que les schémas symétriques soient mis en évidence. Hendricks 1973 : 153

Normalisation synopsis
A. Discours du récit
1 remplacement des anaphoriques par leurs antécédents
2 effacement des assertions de description

B. Suite d’assertions d’action
3 homologation des assertions complexes
4 réduction du discours direct à des assertions d’action
= identification des speech acts

C. Suite d’assertions d’action réduites
= homologuées
5 restitution des valences effacées
6 effacement des assertions zéro-valentes

Structuration résumé
D. Suite d’assertions d’action non zéro-valentes
7 regroupement des participants en deux sous-ensembles
8 effacement des assertions d’action hors ligne du récit

E. Suite d’assertions d’action ‘narratives’
9 décomposition des assertions 3/4-valentes en 2-valentes
10 intégration hyperotaxique

f. Suite de propositions homologues à deux arguments

La différence principale entre une synopsis préliminaire et l’analyse structurale qui suit est que celle-là est un inventaire d’éléments « extraits » du texte qui sont simplement juxtaposés, tandis que celle-ci résulte d’une « structuration » de cet inventaire ; cette opération consiste à mettre au jour des principes relationnels, aussi bien qu’à inférer des termes non explicitement présents dans la synopsis ou le texte original, et a pour résultat une condensation des éléments extraits. Hendricks 1973 : 177

Remarques sur le Schéma
(3) Homologation signifie que l’on doit transformer les assertions d’action de manière à leur donner le maximum de ressemblance grammaticale.
(5) Restitution signifie que des assertions d’action dont certains participants ne sont pas définis, et qui sont manifestées sous forme de phrase à effacement, comme ‘le petit garçon mange Æ‘, doivent être reformulées ‘le petit garçon mange quelque chose’ afin de mettre en évidence les similitudes entre assertions.
(6) On entend par zéro-valentes les assertions qui ne concernent pas les dramatis personae : ‘le soleil se lève’, ‘le vent agite les feuilles’.
(7) La bipartition est la première opération de structuration de la
chaîne syntagmatique des propositions. [...] Une fois l’histoire réduite en symboles, nous pouvons chercher à structurer [patterning] ces symboles. Une telle recherche constitue une sorte d’interprétation paradigmatique du récit. Hendricks 1973 : 159
La paradigmatisation fondamentale est celle des participants, selon la ‘loi de contraste’ d’Olrik (1909) :

nous assumons que l’histoire est polarisée, en termes de protagoniste et antagoniste. Bien plus, nous escomptons une polarisation concomitante de l’intrigue [plot] en épisodes, puisque le contraste de personnages se reflétera dans les actions respectives du protagoniste et de l’antagoniste. Hendricks 1973 : 112
Ce qui dans le folklore est opposition de deux personnages polaires devient, dans des récits plus ‘littéraires’, opposition de deux ensembles ; on peut prévoir les [ni A ni B] (les neutres), et les [successivement et A et B] (les transfuges).
(8) Les assertions qui sont hors de la ligne du récit sont
(a) les assertions méta-narratives (commentatives, etc.),
(b) les assertions relevant de la mise en scène, qui généralement comportent des participants non polarisés.
(9) Le but final étant une suite de propositions binaires (= les arcs d’un graphe), les assertions médiates’ comme ‘Jean donne le livre à Paul’ sont décomposées en ensembles d’assertions ‘immédiates’ à deux arguments, comme ‘Jean favorise Paul’, ‘Jean abandonne le livre’, ‘Paul acquiert le livre’. (1973 : 187).
(10) L’intégration hyperotaxique est l’opération qui, strictement parlant, résume le récit. Il s’agit de ‘refondre le matériel restant [pour le porter à] un plus haut degré de généralité’. (Hendricks 1973 : 191). Des nominations hyperonymiques génériques, d’une part, et d’autre part la reformulation de suites d’actions en termes compréhensifs, constituent la dernière étape de la procédure.
Hendricks (1973 : 152-174) applique sa procédure à une nouvelle de R. Bradbury.

4.4. La procédure d’Agricola
La procédure d’Agricola s’apparente à celle de Hendricks, mais elle a un aspect formel plus accusé. Elle repose sur une théorie de la production du texte qui a été présentée ci-dessus. Elle se décompose en quatre étapes.

1. Normalisation et réarrangement :
a décomposer les phrases complexes
b reconstruire les coordinations
c rétablir les éléments élidés
d ramener à l’unité les désignations lexicales ‘synonymes’
e remplacer les anaphores par leurs sources référentielles.

[On obtient ainsi une ‘suite de structures syntaxiques simplifiées’ ou prédications, où apparaissent déjà des parallélismes, des suites types, etc.]

2. Réduction prédicative :
on fait abstraction des formes temporelles et modales.

3. Structuration :
elle se fait par superposition des prédications, et aboutit à un découpage en segments commensurables à des paradigmes v. ci-dessus la notion de coupe.

4. Construction du noyau informatif :
c’est la ‘structure d’états de choses sous-jacente au texte’, une macro-structure sémantique qui est ce que j’ai défini comme RS.

Agricola applique sa procédure à une nouvelle de E. Strittmatter. (1976 : 214-243)



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